Les heures du gouvernement minoritaire de Stephen Harper sont comptées. À moins d'un revirement de taille, le premier ministre se rendra chez le gouverneur général David Johnston samedi, 24 heures après la chute de son gouvernement à la Chambre des communes, pour demander la dissolution du Parlement et la tenue d'élections générales le 2 mai.

Le Parti libéral a annoncé mercredi qu'il profitera de la journée de l'opposition qui lui revient demain pour déposer une motion de censure envers le gouvernement Harper pour l'outrage qu'il a commis en refusant de préciser les coûts de ses réformes de justice criminelle. Le NPD et le Bloc québécois ont confirmé qu'ils appuieront cette motion, ce qui scelle le sort du gouvernement conservateur.

Résultat: les députés n'auront même pas l'occasion de voter sur le contenu du budget déposé mardi par le ministre des Finances Jim Flaherty, la motion de censure des libéraux mettant fin au règne des conservateurs étant la première à être mise aux voix demain après-midi.

Stephen Harper a lancé une ultime invitation mercredi aux partis de l'opposition pour qu'ils reviennent sur leur décision de rejeter le budget, estimant qu'il s'agit d'un plan qui reprend plusieurs de leurs suggestions et que les Canadiens ne veulent pas d'élections générales alors que l'économie doit être la priorité de tous les élus à Ottawa. Cette invitation a été rapidement écartée.

«Malgré leur déclaration, les partis de l'opposition ont encore la possibilité de faire passer les intérêts des Canadiens en premier. Il n'est pas trop tard pour eux de reculer, de penser à la fragile reprise économique et d'écouter les appuis de nombreuses organisations et de la population canadienne pour ces mesures. Je les encourage à mettre les intérêts des Canadiens en premier et nous aider à mener à bien la reprise économique du Canada pour protéger la sécurité financière des Canadiens et de leurs familles, pour leurs emplois, pour leurs régions», a affirmé le premier ministre en conférence de presse.

Menaces sur l'économie

M. Harper a soutenu que bien des menaces planent toujours sur l'économie canadienne, citant en exemple le tumulte au Moyen-Orient, le désastre au Japon, la dette européenne, les difficultés qu'éprouvent encore les États-Unis, entre autres choses.

«Je suis déçu qu'ils (les autres partis) n'aient pas pris le temps de lire le budget avant de sauter aux conclusions. Notre économie n'est pas un jeu politique. La reprise mondiale demeure fragile. Comparativement à d'autres pays, la reprise économique du Canada est forte, mais il n'est pas du tout sûr qu'elle va se poursuivre», a dit le premier ministre.

Réagissant immédiatement, le chef libéral Michael Ignatieff, le néo-démocrate Jack Layton et le chef bloquiste Gilles Duceppe ont tour à tour rejeté les arguments du premier ministre. D'autant plus que M. Harper a affirmé que le budget qu'il a déposé n'est pas négociable.

Le rouleau compresseur électoral est donc définitivement en marche depuis mardi après-midi, après que le NPD, le Parti libéral et le Bloc québécois eurent annoncé qu'ils voteraient contre le budget. Les Canadiens seront convoqués aux urnes pour la quatrième fois en sept ans.

«Nous n'avons pas confiance ni dans la politique économique du gouvernement ni dans son manque de respect envers la démocratie», a déclaré Michael Ignatieff.

Il a qualifié de «ridicules» les propos de Stephen Harper voulant qu'il soit dangereux pour l'économie de tenir des élections en temps de reprise économique.

«Nous sommes une société démocratique qui est arrivée à un moment de choix», a-t-il insisté.

Layton ouvert aux négociations

Pour sa part, Jack Layton s'est dit toujours ouvert à reprendre les négociations avec le gouvernement pour amender son budget, même si ce dernier a affirmé qu'il s'agissait d'une offre finale.

«Je pense que c'est possible», a dit M. Layton, rappelant qu'il était parvenu à négocier une telle entente de dernière minute avec le premier ministre libéral Paul Martin, en 2005.

Il a toutefois ajouté qu'il avait peu d'espoir qu'il réussisse l'exploit une nouvelle fois. «Malheureusement, on a un premier ministre qui ne veut pas travailler avec les autres», a-t-il déploré.

M. Layton a indiqué qu'il voterait en faveur de la motion du Parti libéral, demain, s'il n'arrivait pas à s'entendre avec le gouvernement d'ici là.

M. Layton a par ailleurs été questionné sur son état de santé. Au cours de la dernière année, il a dû combattre le cancer et se remet actuellement d'une récente opération à la hanche.

«Je travaille avec mes médecins sur une base continuelle comme plusieurs personnes qui ont le cancer et ils sont contents de la manière dont les choses vont», a-t-il dit.

Déterminé à mettre fin au règne des conservateurs, Gilles Duceppe, a soutenu que ses troupes appuieront sans remords la motion de censure des libéraux compte tenu des scandales qui ont éclaboussé le gouvernement Harper et le budget qu'il a présenté.

«Le Bloc n'a d'autre choix que de voter contre le gouvernement à la prochaine occasion», a-t-il dit, notant entre autres que dans son budget, Ottawa n'avait pas mis d'argent de côté pour l'harmonisation de la taxe de vente du Québec avec la TPS canadienne. Québec réclame une compensation de 2,2 milliards de dollars.