Alors que les libéraux de Michael Ignatieff et les bloquistes de Gilles Duceppe avaient déjà annoncé leurs couleurs, tous les regards étaient tournés, mardi, vers le chef du NPD, Jack Layton, le seul à avoir entrouvert la porte à la possibilité d'appuyer le budget 2011-2012.

Mais sa réaction a été telle, à la lecture du sixième exercice financier du gouvernement de Stephen Harper, qu'il n'a mis que 15 minutes avant d'annoncer sa décision plutôt que d'attendre 24 heures comme prévu.

Entassés dans un coin du foyer de la Chambre des communes, journalistes, caméramans, photographes, adjoints politiques et analystes attendaient, fébriles, que M. Layton, après M. Duceppe et M. Ignatieff, vienne faire connaître sa position.

Signe indéniable qu'il n'allait pas simplement annoncer qu'il ferait sa déclaration le lendemain, le chef néo-démocrate, qui se remet d'une opération à la hanche, a fait venir un lutrin. Contrairement aux deux autres chefs, M. Layton est arrivé discours en main et a lu sa déclaration, impassible, avant de répondre à un nombre très limité de questions, ce qui est contraire à ses habitudes.

Pendant qu'il parlait, un silence inhabituel a envahi le foyer de la Chambre des communes. Puis, en quelques minutes, la salle s'est remplie de regards hagards, la colline parlementaire prenant soudainement conscience de l'imminence d'une campagne électorale.

Le gouvernement avait tout de même tendu une perche au NPD en répondant, en partie, à certaines de ses demandes. Mais les troupes de Jack Layton ont jugé l'effort insuffisant. «En plein milieu de scandales qui prennent de l'ampleur, ce gouvernement aurait pu mettre de côté la partisanerie et travailler avec les autres partis. Il a choisi de ne pas le faire», a dit le chef néo-démocrate.

L'état de santé de M. Layton, qui lutte depuis un an contre un cancer de la prostate, et ses prises de position plus nuancées dans les derniers jours avaient relancé la machine à rumeurs, certains analystes suggérant que le NPD pourrait appuyer le budget et maintenir au pouvoir les conservateurs.

Libéraux et bloquistes insatisfaits

Les libéraux, quant à eux, avaient fait de l'annulation des baisses d'impôts aux entreprises une condition sine qua non de leur appui au budget. Or, il était hors de question pour le gouvernement Harper d'accéder à cette demande, qui, selon les conservateurs, freinerait la relance économique.

«Nous croyons que les priorités de ce gouvernement ne sont pas les priorités des familles canadiennes ordinaires, a dit mardi Michael Ignatieff. Il propose de dépenser 1000 fois plus sur les prisons que dans la prévention de la criminalité chez les jeunes. Il propose de dépenser 1000 fois plus sur des avions de chasse au lieu d'aider les gens à accéder à l'éducation postsecondaire. Ils ont déjà dépensé 1 milliard de dollars en 72 heures sur les sommets du G8 et du G20, ce qui est plus qu'ils vont dépenser pour aider les aînés dans une année.»

Le Bloc québécois réclamait notamment une compensation de 2,2 milliards pour l'harmonisation de la TPS avec la TVQ. Dimanche dernier, le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, avait semblé indiquer qu'une entente était imminente, mais le budget de mardi n'en a pas fait mention. Le Bloc réclamait aussi la bonification du régime d'assurance emploi, l'amélioration du supplément de revenu garanti pour les aînés ainsi que de l'aide pour les industries forestière et manufacturière.

«On a joué nos cartes en fonction des intérêts du Québec et on ne peut appuyer un tel budget», a déclaré Gilles Duceppe en sortant de la Chambre des communes. «Je n'ai pas confiance dans le gouvernement.»