Un rapport recommandant que le gouvernement Harper soit accusé d'outrage au Parlement a été adopté par un comité parlementaire, lundi matin.

Mais il pourrait éviter pareille accusation par la Chambre en utilisant diverses entraves procédurales pour reporter le vote à plus tard, craint déjà l'opposition.

Le rapport a été déposé à la Chambre des communes lundi après-midi.

Les députés d'opposition - majoritaires au comité comme à la Chambre des communes - ont tous voté pour que cette conclusion d'outrage y figure, mais les conservateurs, mécontents, s'y sont opposés.

N'étant pas assez nombreux pour avoir gain de cause et le bloquer, ils ont alors décidé de déposer un rapport dissident.

Les conservateurs maintiennent que le gouvernement a répondu adéquatement et avec suffisamment de précision aux demandes de l'opposition.

«Le rapport présenté par le comité n'est qu'une manoeuvre politique partisane qui diminue la valeur de l'important travail du Parlement», peut-on lire dans le rapport dissident des députés conservateurs siégeant au comité.

Il était reproché au gouvernement de ne pas avoir fourni une estimation suffisante pour la réduction d'impôt des grandes entreprises, ni pour l'impact financier des 18 projets de loi qui visent à lutter contre la criminalité, malgré les demandes répétées des députés de l'opposition au cours des quatre derniers mois.

Un refus qui empêche les parlementaires de faire leur travail correctement, alors qu'ils ont le doit d'examiner les dépenses publiques, ont plaidé les partis d'opposition.

Si le comité réussissait à conduire l'exercice jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à un vote aux Communes, ce serait la première fois dans l'histoire du Canada qu'un gouvernement serait accusé d'outrage au Parlement.

Mais le vote risque de ne pas avoir lieu cette semaine, s'inquiète déjà les partis d'opposition.

«Stephen Harper va tout faire pour éviter de rendre des comptes sur la gestes de son gouvernement», a affirmé lundi le député libéral Scott Brison, qui craint que le premier ministre ne donne des instructions à ses troupes de faire de l'obstruction au moment du vote, jusqu'à que le temps de débat ne soit entièrement écoulé.

Les libéraux ont d'ailleurs noté que le gouvernement a déposé neuf motions vendredi, qui devraient normalement être débattues et votées avant celle sur le rapport d'outrage.

Un geste inhabituel que de déposer de telles motions un vendredi, a relevé le libéral David McGuinty.

«Ça fait partie des tactiques procéduriales mais ça fait désormais partie du débat politique (la conclusion d'outrage), que ça soit entendu maintenant ou plus tard, en Chambre ou en élection», a commenté le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe au sujet du dépôt des neuf motions du gouvernement.

«Ils s'en sortiront pas avec ça», a renchérit le chef bloquiste.

Aucune sanction possible contre le gouvernement n'a par ailleurs été indiquée dans le rapport du comité.

Un vote de défiance est une option, mais aucune décision n'a été prise par l'opposition. Les libéraux pourraient profiter de leur journée d'opposition de vendredi pour introduire la motion nécessaire à ce vote.

«Mais d'être trouvé en outrage est déjà une sanction», a noté le député néo-démocrate Yvon Godin qui siège au comité.

«M. Harper devra vivre en sachant qu'il a été le premier ministre qui a été trouvé en outrage au Parlement», a-t-il ajouté.

Vu l'imminence du dépôt du budget, mardi - qui est aussi une question de confiance qui génère de nombreux votes qui peuvent s'avérer fatals pour le gouvernement- les partis d'opposition ne semblent pas encore avoir finalisé leur stratégie au sujet de l'outrage au Parlement.

Fidèle à lui-même, Gilles Duceppe a «refusé de faire ouvertement de la stratégie» devant les journalistes qui le pressaient de questions.

Même son de cloche du côté du chef néo-démocrate Jack Layton qui a affirmé lundi qu'il allait prendre des décisions une par une quand chaque occasion de retirer la confiance au gouvernement se présentera, refusant de préjuger laquelle viendra en premier.

«Le prochain item devant nous est le budget et cela peut déterminer tout le reste», a-t-il cependant fait remarquer.

Le budget sera soumis à un premier vote jeudi et celui-là aussi pourrait entraîner la chute du gouvernement.

Si c'est le cas, des élections seraient déclenchées avant que le gouvernement ne soit trouvé coupable d'outrage par la Chambre, enlevant à l'opposition l'occasion de brandir cette accusation en campagne électorale.

De plus, dans une étude séparée, dont le rapport est attendu vendredi, le comité parlementaire se penche sur le cas de la ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, accusée d'avoir menti lorsqu'elle expliquait pourquoi elle n'a pas renouvelé les subventions à l'organisme humanitaire Kairos.

Elle pourrait à son tour faire face à une accusation d'outrage au Parlement.