Deux sénateurs conservateurs et deux dirigeants du parti de Stephen Harper ont été accusés d'avoir «volontairement» fait des dépenses électorales excessives, tandis que l'un d'entre eux, collecteur de fonds du parti, est accusé d'avoir offert une déclaration trompeuse à Élections Canada.

Les accusations, qui peuvent mener à une peine d'un an d'emprisonnement ou des amendes pouvant atteindre 25 000 $, ont été déposées par le Commissaire aux élections fédérales, après discussion avec le directeur des poursuites pénales.

Les actes d'accusation rendus publics vendredi matin citent les noms d'un collecteur de fonds conservateur, le sénateur Irving Gerstein, et du sénateur Doug Finley - qui est également le conjoint de la ministre Diane Finley -, tous deux nommés au Sénat par le premier ministre Harper.

Les deux dirigeants du parti sont Michael Donison et Susan Kehoe. Le Fonds conservateur du Canada et le Parti conservateur lui-même figurent également parmi les accusés.

Tous les individus cités faisaient partie de l'équipe du premier ministre Stephen Harper au moment des faits allégués.

On peut lire dans ces actes d'accusation qu'entre le premier novembre 2005 et le 23 janvier 2006, soit durant la campagne électorale qui a conduit à la première élection du gouvernement Harper, les accusés ont volontairement dépassé le plafond fixé pour les dépenses électorales, qui s'établissait à un peu plus de 18 millions $.

Et le parti, le Fonds conservateur et le sénateur Gerstein sont en outre accusés d'avoir «produit auprès du directeur général des élections un compte des dépenses électorales (...) alors qu'(ils) savaient ou auraient dû normalement savoir que celui-ci contenait une déclaration fausse ou trompeuse».

Les quatre individus devront se présenter devant la Cour provinciale de l'Ontario le 18 mars, à Ottawa.

Élections Canada avait mis à jour un procédé, qu'on avait baptisé le «in and out», où le parti donnait de l'argent à plus d'une soixantaine d'associations de comtés qui renvoyaient ce même argent au parti national, lui permettant ainsi de dépasser les limites prévues par la loi. Une opération impliquant quelque 1,3 million $.

Mais le Parti conservateur s'est toujours défendu d'avoir agi dans l'illégalité dans cette affaire.

Et le premier ministre Harper a une de fois plus défendu son parti, de passage à Val-d'Or, vendredi. Les conservateurs plaident qu'ils ont une différente interprétation de la loi électorale que celle défendu par Élections Canada. Et selon M. Harper, ses troupes ont suivi les règles, en 2006, telles qu'elles avaient été dictées.

«Notre position a été claire: nous avons respecté les règles qui étaient en place à l'époque (...) Mais évidemment, nous ne pouvons pas changer les choses de façon rétroactive», a réagi le premier ministre.

Le parti défend depuis le début de cette affaire que c'est Élections Canada qui a changé sa façon d'interpréter la loi, et non ses troupes.

«La loi n'ayant pas été modifiée, ce n'est pas une question d'interprétation, c'est une question d'application», a rétorqué le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair.

«C'est un vieux truc ça, de dire qu'il y avait ambiguïté (...) La loi était claire en 2006, la loi était claire en 2008 et la loi est claire en 2011. La question est de savoir est-ce que vous l'avez respectée oui ou non», a-t-il martelé, en entrevue téléphonique.

Pourtant, pendant la campagne électorale de 2006, au moment d'annoncer qu'il s'engageait à créer le bureau des poursuites pénales - qui a été consulté avant que les accusations ne soient portées -, Stephen Harper avait eu des propos tranchés en garantissant que l'institution mettrait fin au doute d'interférence politique dans le système de justice.

«Il y aura un nouveau code sur la colline parlementaire», avait-il promis.

«Outrepassez les règles, vous serez punis; transgressez la loi, vous serez accusés; abusez de la confiance du public, vous irez en prison», avait-il scandé.

Cinq ans plus tard, l'opposition l'accuse carrément d'avoir lui-même participé aux gestes qui sont aujourd'hui reprochés à ses sénateurs et organisateurs.

«Ce sont les responsables les plus élevés dans sa garde rapprochée, et je pense que le premier ministre a de sérieux comptes à rendre au peuple canadien», a argué la libérale, Carolyn Bennett, en point de presse.

De l'avis des libéraux et des bloquistes, ces allégations témoignent d'un manque de respect pour la démocratie. Car les personnes impliquées dans cette affaire étaient trop haut placées pour ne pas connaître les lois électorales, selon le leader du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

«Il peut arriver de bonne foi que quelqu'un parmi toutes les circonscriptions se trompe (...) Mais là, on ne parle pas de gens d'inexpérience, on parle de la direction de la campagne», a-t-il déploré, en entrevue téléphonique, disant s'inquiéter que les conservateurs ne fassent de même à l'occasion de la prochaine élection, qui pourrait être déclenchée dès la fin du mois prochain.