Les Québécois voient d'un mauvais oeil l'idée que les conservateurs de Stephen Harper puissent former un gouvernement majoritaire un jour. Par contre, une majorité d'entre eux approuve l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement de coalition formé par le Parti libéral et le NPD et soutenu par le Bloc québécois.

Un sondage CROP-La Presse réalisé du 16 au 21 février derniers permet d'évaluer le climat politique qui règne au Québec sur la scène fédérale au moment où les partis de l'opposition menacent de renverser le gouvernement Harper aux Communes en rejetant le prochain budget. Un tel front commun du Parti libéral, du Bloc québécois et du NPD provoquerait des élections générales au printemps.

Récemment, les troupes souverainistes de Gilles Duceppe ont relancé l'idée d'une coalition à Ottawa en inscrivant dans le programme électoral du parti que «le Bloc québécois se réserve la possibilité de soutenir une coalition de partis politiques» si un autre gouvernement minoritaire est élu.

Or, selon CROP, une majorité de Québécois - 61% - est très favorable (14%) ou plutôt favorable (47%) à ce qu'une coalition formée par le Parti libéral et le NPD, soutenue par le Bloc québécois, prenne les rênes du pouvoir à Ottawa. Seulement 39% des répondants rejettent cette option (25% plutôt opposés et 14% très opposés).

Une perspective inquiétante

Si les Québécois, dans une proportion de 41%, croient que les conservateurs formeront à nouveau un gouvernement minoritaire à l'issue des prochaines élections, un nombre important des répondants (67%) jugent inquiétante l'éventualité de l'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire. Seulement 33% des personnes interrogées disent que cela les inquiète peu ou pas du tout.

«Un gouvernement majoritaire conservateur n'est pas une éventualité qui est souhaitable pour une majorité de Québécois», affirme Youri Rivest, vice-président de CROP. «Mais les gens sont très à l'aise avec l'idée d'une coalition, en particulier chez les électeurs qui appuient le Bloc, le Parti libéral et le NPD.»

En 2008, le Parti libéral, alors dirigé par Stéphane Dion, avait conclu un accord avec le NPD pour former un gouvernement de coalition appuyé par le Bloc québécois pendant une période d'au moins 18 mois. Les partis de l'opposition avaient décidé d'unir leurs forces après que le ministre des Finances, Jim Flaherty, eut annoncé son intention d'abolir les subventions versées par l'État aux partis politiques. Cette manoeuvre, qui a provoqué une véritable crise politique à Ottawa, aurait eu pour effet d'étrangler financièrement les partis de l'opposition, en particulier le Parti libéral.

Stephen Harper avait été contraint de proroger les travaux de la Chambre des communes pour éviter la tenue d'un vote sur une motion de censure qui aurait provoqué la chute de son gouvernement. À l'époque, l'idée d'une coalition pour renverser les conservateurs était populaire au Québec, mais elle était rejetée par une forte majorité des autres Canadiens.

Le Bloc au sommet, les libéraux s'enfoncent

Le sondage CROP-La Presse confirme par ailleurs que le Bloc québécois reste la formation politique la plus populaire auprès des électeurs au Québec. Si des élections avaient lieu aujourd'hui, le Bloc québécois aurait récolté 42% des voix, loin devant le Parti conservateur qui aurait obtenu 20%. Le Parti libéral et le NPD auraient récolté chacun 16% des appuis et le Parti vert seulement 6%.

Dans la région de Québec, bastion des troupes de Stephen Harper depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le Parti conservateur est en tête avec 37% malgré la controverse entourant le refus d'Ottawa d'investir dans l'amphithéâtre multifonctionnel du maire Régis Labeaume. Le Bloc québécois suit de près avec 34% et le NPD arrive troisième avec 18%. Le Parti libéral, pour sa part, récolte un maigre résultat de 8%.

Autre mauvaise nouvelle pour les libéraux de Michael Ignatieff, ils n'obtiennent que 10% des appuis chez les francophones, loin derrière le Bloc québécois (51%). Le Parti conservateur arrive bon deuxième avec 17% chez les francophones et le NPD est troisième avec 16%.

Pis encore, seulement 6% des Québécois estiment que Michael Ignatieff est le meilleur chef pour occuper le poste de premier ministre. À cet égard, Jack Layton arrive premier (17%) et Stephen Harper, deuxième avec 16%. Même le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui ne peut être élu au poste de premier ministre, obtient un meilleur score que Michael Ignatieff, soit 16%, le même score que Stephen Harper.

Pour Youri Rivest, le Parti libéral du Canada n'a pas encore réussi à se démarquer véritablement du Parti conservateur sous l'égide de Michael Ignatieff.

«Les gens ne comprennent pas non plus quelle est la différence entre le Parti libéral et le Parti conservateur et ce qu'amènerait de différent le Parti libéral. La marque libérale est devenue un peu floue. Dans le temps de Jean Chrétien, l'image du Parti libéral était claire. Et à 10% chez les francophones, un parti politique commence vraiment à se marginaliser. Dans les circonscriptions francophones, cela va être très difficile pour les libéraux», a affirmé M. Rivest.

Avec Hugo de Grandpré