L'opposition n'a pas l'intention de céder du terrain dans l'affaire impliquant la ministre de la Coopération internationale et même s'ils martèlent qu'il s'agit d'une question de démocratie à laquelle tiendront les Canadiens, ceux-ci semblent moins se préoccuper du dossier.

Selon un sondage La Presse Canadienne-Harris Decima mené mi-février, au moment même où la question faisait rage à la Chambre des communes, la moitié des répondants disent ne pas avoir entendu parler du fait que la ministre de la Coopération internationale soit au coeur d'un scandale.

Et seulement le tiers des répondants qui sont au courant de l'affaire, à l'échelle du pays, estiment qu'elle devrait démissionner, comme le réclame l'opposition depuis deux semaines. Dix pour cent d'entre eux pensent plutôt qu'elle devrait conserver son poste, tandis que huit pour cent des répondants au courant de l'histoire n'ont pas d'opinion quant à sa place au conseil des ministres.

C'est du côté de l'opposition que la démission de Mme Oda est davantage réclamée, sans surprise, 43 pour cent des répondants d'allégeance libérale, 41 pour cent des néo-démocrates et 36 pour cent des bloquistes souhaitant son départ. En revanche, seuls 27 pour cent des sondés se disant conservateurs estiment que la ministre doit quitter.

Alors que la semaine de relâche des travaux parlementaires tire à sa fin, l'opposition a juré, jeudi, de relancer le dossier à son retour aux Communes, lundi prochain.

Libéraux et néo-démocrates ont prévenus qu'ils se réfèreront au comité parlementaire des affaires étrangères afin de convoquer la ministre Oda à venir s'expliquer et d'exiger les documents nécessaires pour comprendre ce qui s'est réellement passé dans le dossier du refus de financement de l'organisme Kairos.

La ministre de la Coopération internationale est dans l'eau chaude depuis qu'elle a avoué, la semaine dernière, être intervenue pour modifier une décision de son ministère - après l'avoir nié pendant des mois et laissé croire que la décision venait de ses fonctionnaires.

Un document a été rendu public indiquant que les fonctionnaires de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), le ministère de Mme Oda, recommandaient bel et bien le renouvellement du financement de 7 millions $ du groupe Kairos.

Le mot «not» (ne pas) a cependant été ajouté à la main pour modifier cette recommandation. La ministre avait affirmé, en comité, ne pas connaître l'identité de la personne qui a fait le changement. Il y a 10 jours, elle s'est levée aux Communes pour avouer que c'était elle qui en avait donné l'ordre.

Depuis, l'opposition réclame sa démission et accuse le bureau du premier ministre, ou Stephen Harper lui-même, d'avoir donné l'ordre à Mme Oda de changer la décision de ses fonctionnaires.

Et l'opposition a promis de ne pas lâcher, accusant la ministre Oda d'avoir menti dans ce dossier.

«Le gouvernement continue d'essayer d'éviter les questions, de ne pas répondre aux questions, sauf de donner des réponses complètement robotiques. Et on n'accepte pas ça (...) Et ça va être une visite au dentiste qui va durer quelques temps, je peux vous l'assurer», a prévenu le libéral Bob Rae, en point de presse.

Car c'est il est question de la responsabilité de Mme Oda et de son gouvernement, a pour sa part martelé le néo-démocrate Paul Dewar.

«C'est au premier ministre de décider si ce comportement est acceptable dans son cabinet. Et s'il pense que c'est le cas, alors ce qu'il accepte c'est non seulement de tromper les Canadiens mais aussi que la responsabilité et les promesses avec lesquelles il s'est fait élire (en ce sens) ne sont plus une priorité pour ce gouvernement», a-t-il accusé.

M. Rae a été jusqu'à scander que le scandale entourant Mme Oda témoigne du contrôle excessif exercé par le bureau du premier ministre, sur les fonctionnaires mais aussi les ministres.

«S'ils n'ont pas le contrôle, si les «djihadistes» de 25 ans du bureau du premier ministre n'ont pas le contrôle, rien ne passe. Et c'est ce qui ne va pas avec ce gouvernement, c'est une pathologie», a lancé le libéral.

«C'est une culture de gens qui sont à l'unisson quant à leur idéologie dans un domaine, qui sont fanatiquement loyaux au gouvernement et à ce que le premier ministre tente de faire, et qui se font confier des responsabilités bien au-delà de leurs capacités», a-t-il renchéri.

Si le sondage mené par Harris Decima semble indiquer que les Canadiens se soucient peu du sort de la ministre Oda, les députés, eux, se sont dit optimistes que les citoyens aient à coeur de savoir si leur gouvernement leur dit la vérité ou non.

Le sondage téléphonique, mené du 17 au 20 février auprès d'un peu plus de 1000 Canadiens, comporte une marge d'erreur de 3,1 points, 19 fois sur 20.