Tentant tant bien que mal de disculper la ministre de la Coopération internationale, le gouvernement a présenté sa réplique officielle à l'opposition, qui tente de la faire accuser d'avoir menti délibérément au Parlement.

Mais la contre-attaque des conservateurs a une fois de plus enragé les partis d'opposition, qui invoquent le respect de la démocratie parlementaire.

En répliquant pour la première fois aux accusations qui pèsent contre la ministre Bev Oda, les troupes conservatrices ont plaidé, aux Communes vendredi, que cette affaire était de la faute de l'opposition.

Les députés des partis d'opposition n'avaient qu'à mieux poser leurs questions s'ils voulaient obtenir des réponses, a fait valoir le secrétaire parlementaire Tom Lukiwski.

«Peut-être que le député aurait dû poser des questions différentes, ou plus de questions, ou il aurait dû s'appliquer davantage dans son interrogatoire, mais le fait qu'il soit mécontent des réponses ne représente pas une atteinte au privilège», a-t-il argué en Chambre, au moment de présenter la défense du gouvernement dans ce dossier.

Quant au fait qu'un document ait semblé être falsifié par la ministre Oda, M. Lukiwski a rétorqué que des documents internes comme celui mis en cause n'étaient pas destinés à être rendus publics.

«Personne n'a jamais suggéré que des échanges de documents bureaucratiques ou ministériels doivent être une oeuvre d'art», a défendu le secrétaire parlementaire.

Le néo-démocrate, Paul Dewar, lui a toutefois répliqué que ce genre de documents servait justement à obliger le gouvernement à rendre des comptes.

L'opposition exige la démission de Mme Oda et que celle-ci soit tenue responsable de ses gestes, mais le premier ministre Stephen Harper a défendu sa ministre sans relâche, en arguant qu'elle avait bien fait son boulot en prenant une décision même si celle-ci était contraire à l'avis de ses fonctionnaires.

La ministre de la Coopération internationale est dans l'eau chaude depuis qu'elle a avoué, lundi, être intervenue pour modifier une décision de son ministère - après l'avoir nié pendant des mois et laissé croire qu'il s'agissait d'une décision de routine prise par ses fonctionnaires.

Mais entre-temps, un document a été rendu public indiquant que les fonctionnaires de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), le ministère de Mme Oda, recommandaient bel et bien le renouvellement du financement de 7 millions $ du groupe humanitaire Kairos.

Le mot «not» (ne pas) a cependant été ajouté à la main pour modifier cette recommandation. La ministre avait affirmé, en comité parlementaire, ne pas connaître l'identité de la personne qui a fait le changement.

Lundi, elle s'est levée aux Communes pour avouer que c'était elle qui en avait donné l'ordre.

Or, selon M. Lukiwski, ces différents témoignages ne se contredisent pas et les réponses offertes par la ministre Oda correspondaient aux questions qui lui ont été posées.

«Des réponses précises à des questions ne représentent pas un outrage», a-t-il soutenu, en défendant qu'il n'y avait pas d'indices que la ministre ait tenté d'induire la Chambre ou le comité parlementaire en erreur.

Les partis d'opposition ont fait front commun, jeudi, pour demander au président de la Chambre, Peter Milliken, de se prononcer à savoir si, en semblant avoir fourni de fausses informations, Mme Oda a brimé les privilèges des parlementaires, et si elle a agi de la sorte délibérément.

La semaine dernière, M. Milliken avait jugé - en se penchant une première fois sur cette affaire - que «toute personne raisonnable mise au fait de ce qui semble s'être produit serait certes extrêmement préoccupée, voire outrée, et pourrait même se mettre à douter de l'intégrité de certains processus décisionnels».

Ce qui prouve, selon le libéral John McKay - qui a soulevé la question de privilège aux Communes -, que la situation doit être éclaircie.

«La ministre (Oda) a eu la chance de clarifier le dossier, et jusqu'à maintenant nous avons quelque chose comme trois, quatre ou cinq versions de ce qui s'est réellement passé», a-t-il accusé. À sa sortie des Communes, il a déploré que l'opposition ne puisse compter sur de la transparence de la part de la ministre.

Les partis d'opposition étaient loin d'être satisfaits de la réponse du gouvernement, la néo-démocrate Libby Davies la qualifiant de «très indigne».

«Ils se cachent derrière des détails techniques ridicules», a-t-elle déploré, en entrevue.

Le président Milliken devrait rendre sa décision dans les prochaines semaines et il pourrait décider de renvoyer le dossier en comité parlementaire. Au terme d'un processus qui pourrait s'étirer sur plusieurs mois, la ministre Oda pourrait être accusée d'outrage.