Ottawa a enjoint jeudi les pharmaciens du Québec à continuer à fournir gratuitement des médicaments essentiels aux demandeurs d'asile et aux autres étrangers vulnérables qui ne sont pas couverts par les régimes d'assurance-maladie des provinces, même s'ils ont de la difficulté à se faire rembourser rapidement.

Dans un communiqué, le ministre fédéral de l'Immigration, Jason Kenney, dit craindre que les moyens de pression des pharmaciens propriétaires nuisent non seulement à la santé des immigrants vulnérables, mais aussi à celle de la population en général. Le ministre Kenney s'est dit prêt à intervenir personnellement pour accélérer le traitement des demandes de remboursement provenant des pharmaciens.

«Nous sommes prêts à collaborer avec les pharmaciens afin de régler les cas individuels et à poursuivre notre dialogue avec l'Association des pharmaciens propriétaires du Québec (AQPP), a affirmé le ministre. Cependant, entre temps, nous devons veiller à ce que les réfugiés obtiennent des médicaments importants -  notamment de l'insuline et des médicaments de chimiothérapie, ainsi que des traitements relatifs aux maladies transmises sexuellement ou à la tuberculose.»

Les chances que cette intervention du ministre fasse débloquer la situation semblent toutefois bien minces. D'après l'AQPP, qui représente 1795 pharmaciens propriétaires dans la province, Jason Kenney vient en effet de démontrer éloquemment qu'il ne comprenait rien au dossier.

Selon l'association, le ministre parle comme si seuls les délais de traitement posaient problème. Or, c'est tout le système qui est à repenser, a indiqué jeudi le directeur aux affaires publiques, Vincent Forcier. Ainsi, actuellement, personne ne sait exactement quels médicaments sont couverts dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), et il n'existe aucun processus pour gérer les cas plus complexes ou exceptionnels.

C'est pour régler ces épineuses questions que l'organisation souhaite conclure avec Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) une entente de service semblables à celles déjà en vigueur avec d'autres organismes fédéraux, dont le ministère des Anciens Combattants et les Forces armées canadiennes.

L'AQPP répète qu'elle n'a jamais incité les pharmaciens à refuser d'exécuter les ordonnances des immigrants vulnérables. Elle leur a plutôt proposé des moyens d'assurer la continuité des soins pour ces personnes, en attendant que CIC s'engage à conclure une entente.

Les pharmaciens peuvent ainsi servir le patient, lui facturer le médicament et lui remettre un reçu, le servir, émettre une facture et la faire parvenir à CIC, ou encore diriger les réfugiés vers un autre service de santé adapté à ses besoins.

D'après M. Forcier, ces directives ont été suivies par les pharmaciens, qui attendent qu'on les rembourse depuis plusieurs années. Dans certains cas, les sommes dues s'élèvent à plusieurs milliers de dollars.

L'association estime désormais que «la balle est dans le camp de CIC».

«C'est eux qui ont mis en place un programme d'assurance pour les personnes réfugiées, c'est à eux de prendre les moyens pour offrir ces services à la population», a insisté le porte-parole.