Le vieux débat sur le Sénat réapparaît au milieu des rumeurs de scrutin printanier et semble se profiler comme un enjeu électoral.

Le projecteur a été placé sur la Chambre haute au cours des derniers jours. Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jack Layton, a réitéré mercredi son désir d'abolir le Sénat, alors que Stephen Harper a promis à ses militants dimanche qu'il y aura un jour des sénateurs élus.

Lors d'un colloque sur la réforme parlementaire, M. Layton a fait valoir que les sénateurs ont bénéficié de nominations partisanes, ce qui les place «en situation évidente de conflit d'intérêts».

Ils sont installés sur les moelleux sièges rouges par le parti au pouvoir, bien qu'ils soient payés par les contribuables, a dénoncé Jack Layton.

Il en coûterait 90 millions de dollars par année aux contribuables pour maintenir le Sénat en place, a calculé le NPD. Cela représente quelque 859 000 $ par sénateur par année.

Et en attendant que le Sénat soit rayé de la carte, on devrait au moins interdire aux sénateurs de participer à des activités de financement pour le parti qui les a nommés, a plaidé le chef néo-démocrate.

Les candidats défaits, tout comme les stratèges du parti, ne devraient pas avoir le droit de s'asseoir dans la Chambre haute, a-t-il ajouté.

Invité à prononcer un discours lors de ce qui devait être un paisible colloque sur le processus législatif - organisé par le Groupe canadien d'étude des parlements - M. Layton a ensuite été la cible de sénateurs présents, qui n'ont pas apprécié ses commentaires et qui l'ont accusé de ne «rien comprendre au Sénat».

Également panéliste, la sénatrice Nicole Eaton, nommée par Stephen Harper en 2008, a qualifié le discours de M. Layton de «fusillade» contre le Sénat et de «bavure».

Quant au sénateur libéral Grant Mitchell, il a souligné d'entrée de jeu qu'il avait l'impression d'avoir «été avalé dans le vortex du premier arrêt de la campagne électorale de M. Layton».

Mais M. Layton n'est pas le premier à avoir abordé la question du Sénat dans ce qui ressemble à un discours pré-électoral.

Dimanche dernier, dans le cadre d'un événement pour célébrer les cinq années au pouvoir des conservateurs, Stephen Harper a motivé ses troupes en leur rappelant que ce qu'il n'avait pas encore réussi à changer parce que son gouvernement est minoritaire deviendra un jour réalité.

«Juste en passant, un jour, rappelez-vous, il y aura un Sénat élu et nous nous débarrasserons du ruineux registre des fusils de chasse», a affirmé M. Harper d'un ton combatif, soulevant alors l'enthousiasme des militants présents.

Les conservateurs rappellent qu'ils ont déjà proposé au Parlement une série de réformes concrètes, mais que les néo-démocrates ont fait de l'obstruction.

«Si le NPD veut réellement amener le Sénat au 21e siècle, il devrait soutenir notre législation qui propose des mandats limités à huit ans et un Sénat élu», a déclaré le ministre de la Réforme démocratique, Steven Fletcher.

Se rappelant cette promesse de Sénat élu formulée par Stephen Harper en arrivant au pouvoir, le chef du NPD l'a justement qualifiée d'«hypocrite» parce que le premier ministre a nommé au Sénat plusieurs de ses partisans après avoir contesté vivement le fait que les représentants de la Chambre haute ne soient pas élus.

«Stephen Harper détient maintenant le record de tous les temps pour avoir nommé le plus grand nombre de sénateurs en un jour», a noté M. Layton.

«Et qui a-t-il nommé? Des partisans du Parti conservateur. Des stratèges, des collecteurs de fonds et des proches du parti», a-t-il ajouté.

Le chef du NPD a aussi déploré que les sénateurs aient récemment rejeté le projet de loi sur la responsabilité en matière de changements climatiques alors que le Parlement - les élus - l'avait dûment adopté.

Et il craint que le projet de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada ne subisse le même sort.

«Parce qu'une personne a fait cuire des pancakes pour le Parti conservateur, cela ne lui donne pas le droit de renverser les décisions des députés élus», a-t-il lancé.

Le chef libéral Michael Ignatieff est pour sa part d'avis qu'il doit y avoir une discussion sérieuse sur l'avenir du Sénat, mais il refuse de prendre position puisque selon lui, à la fois M. Layton et M. Harper changent d'idée sur leur choix préféré de réforme à tous les cinq mois.

Le Sénat compte maintenant une majorité de conservateurs (54) pour 46 libéraux. Les néo-démocrates, n'ayant jamais été au pouvoir, n'ont aucun représentant à la Chambre haute.

Le Groupe canadien d'étude des parlements est un organisme sans but lucratif formé de spécialistes du domaine parlementaire, d'universitaires et de fonctionnaires qui s'intéressent à la réforme des institutions parlementaires.