Le premier ministre Stephen Harper estime avoir réussi à instaurer une certaine paix constitutionnelle au pays depuis son arrivée au pouvoir. Il croit y être parvenu en respectant à la lettre les champs de compétence des provinces et en réglant le déséquilibre fiscal entre Ottawa et les gouvernements provinciaux.

Dans une entrevue accordée à La Presse, hier, M. Harper a soutenu que la philosophie de son gouvernement selon laquelle Ottawa doit d'abord et avant tout s'occuper de ses responsabilités a également permis de faire reculer l'appui à la souveraineté au Québec, qui oscille autour de 40% dans les sondages depuis plusieurs mois.

Porté au pouvoir le 23 janvier 2006 et réélu en octobre 2008, M. Harper deviendra dans un mois le premier ministre ayant régné le plus longtemps à la tête d'un gouvernement minoritaire dans l'histoire du pays. Il devancera à ce titre le libéral Lester B. Pearson, qui a été premier ministre de 1963 à 1968.

Certes, il y a eu des frictions entre Ottawa et Québec au cours des dernières années, mais elles ont porté sur des dossiers comme la lutte contre les changements climatiques ou les coupes dans les arts et la culture. Lorsque les libéraux fédéraux étaient au pouvoir, les pommes de discorde de nature constitutionnelle étaient fréquentes entre Ottawa et Québec.

Dans les années 90, le gouvernement Chrétien avait notamment soulevé l'ire de Québec en créant la Fondation des bourses du millénaire. En 2004, le gouvernement Martin s'était attiré les foudres de Québec en voulant créer un programme national de garderies. Le gouvernement Harper a mis fin à ces deux initiatives après son arrivée au pouvoir.

D'autres priorités que la souveraineté

«Personne ne parle de questions constitutionnelles aujourd'hui. Il est intéressant de constater que l'appui à la souveraineté a beaucoup diminué au Québec depuis notre arrivée au pouvoir. On ne nous en donne peut-être pas le crédit, mais c'est la réalité. Même avec la possibilité d'un changement de gouvernement à Québec, on ne parle plus de souveraineté. M. Duceppe fait encore campagne pour la souveraineté, mais il le fait aux États-Unis et en Europe. Il refuse de parler de cela au Québec pendant des élections», a affirmé M. Harper.

«La population en a assez de la souveraineté et de la Constitution. Nous avons d'autres problèmes, d'autres priorités. Je pense que c'est une de nos grandes réalisations», a ajouté le premier ministre, dont le gouvernement a reconnu le Québec comme nation et lui a accordé une place dans la délégation canadienne à l'UNESCO durant son premier mandat.

Déséquilibre fiscal

M. Harper se félicite aussi d'avoir réglé le déséquilibre fiscal. Il estime que son gouvernement est le seul dans l'histoire du pays à avoir maintenu intacts les paiements de transfert aux provinces durant une récession. Et dans le prochain budget, ces paiements de transfert continueront de croître comme prévu. Cette promesse a permis d'éviter de nouvelles tensions entre Ottawa et les provinces.

«Les transferts aux provinces ont augmenté d'une façon incroyable depuis notre arrivée au pouvoir. Je pense que notre bilan à cet égard est historique.»

Gouverner jusqu'en 2012

M. Harper a répété qu'il ne souhaite pas d'élections générales en 2011, même s'il constate que les partis de l'opposition sont plus que jamais tentés de renverser son gouvernement. «La population veut que nous nous concentrions sur l'économie, et c'est ce que je veux faire», a-t-il dit.

Il est prêt à gouverner jusqu'en octobre 2012, date prévue par la loi pour le prochain scrutin, s'il obtient l'appui de l'un des trois partis de l'opposition pour faire adopter le prochain budget fédéral, prévu à la fin février ou en mars. Le rejet du budget provoquerait des élections générales en avril.

Les libéraux de Michael Ignatieff et les néo-démocrates de Jack Layton refusent d'appuyer le budget s'il n'annule pas les baisses du taux d'imposition des entreprises, qui est passé de 18% à 16,5% le 1er janvier. À cet égard, M. Harper demeure ferme. Il est hors de question d'annuler ces baisses. Selon le premier ministre, la promesse des libéraux d'annuler ces baisses constitue une menace à la reprise économique au pays.

«Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons établi avec l'appui des libéraux des cibles pour les taux d'imposition des entreprises. Nous avons établi ces cibles, dans la grande majorité des cas, en collaboration avec les provinces, pas seulement des provinces dirigées par des gouvernements conservateurs, mais aussi des provinces dirigées par des gouvernements libéraux et néo-démocrates», a-t-il dit.

«La hausse des taxes et des impôts, surtout pour les employeurs, constitue la plus grande menace pour l'économie canadienne. Il y a des menaces en provenance de l'étranger, évidemment. Nous n'y pouvons rien. Mais s'il y a une façon de vraiment stopper la relance économique au Canada et de mettre fin à la création d'emplois, c'est d'augmenter les impôts des entreprises.»