Au terme d'une session ponctuée de dossiers chauds, mais éphémères, les partis fédéraux se préparent de plus en plus à une élection au printemps.

Cette campagne pourrait s'avérer la dernière de certains, sinon de tous les chefs des formations politiques. Les chefs confrontés à des résultats décevants pourraient décider que c'est le moment de se retirer, tandis que d'autres pourraient carrément être poussés vers la sortie.

Si ce scénario se concrétise, la nouvelle année risque d'amener son lot de changements, contrairement à 2010, qui n'aura rien révolutionné.

Car à en croire les derniers sondages et ceux menés il y a 12 mois, l'année 2010 aura commencé comme elle se termine. Les partis font du surplace dans les intentions de vote des Canadiens et les chefs aussi.

Les 12 derniers mois ont néanmoins apporté leur lot de débats aux Communes.

Au retour d'une prorogation fort mal accueillie par l'opposition comme par la population, le gouvernement de Stephen Harper a dû céder aux demandes répétées de ses opposants, qui réclamaient depuis des mois des documents secrets portant sur le sort de détenus afghans. Si une entente a finalement été conclue, les archives n'ont toujours pas été remises aux parlementaires.

Second dossier chaud pour le gouvernement: sa décision d'abolir le formulaire détaillé de recensement -au profit d'un questionnaire volontaire. Là encore, les conservateurs ont été forcés de reculer face à la pression.

Refusant de faire totalement marche arrière, le fédéral a ajouté deux questions en matière de langues officielles au questionnaire court, qui demeure obligatoire. Mais à quelques mois du prochain recensement, le dossier semble clos, les opposants au gouvernement manquant de temps pour lui forcer la main.

Au fil des crises, les conservateurs ont malgré tout toujours réussi à s'en tirer presque indemnes. Les nouvelles explosives se sont succédé, sans jamais toutefois leur coûter des appuis.

Tentative d'abolir le registre des armes à feu, déficit record, dépenses faramineuses pour la sécurité aux sommets du G8 et du G20 ainsi que pour construire de nouvelles prisons, et prolongement de la mission en Afghanistan auront fait les manchettes et les choux gras de l'opposition.

C'est sans compter les thèmes qui reviennent régulièrement hanter les conservateurs. L'exclusion de l'avortement parmi les mesures mises de l'avant au G8 pour aider la santé maternelle et infantile a suscité bien des débats, tout comme les politiques sévères en matière de loi et d'ordre ainsi qu'en immigration.

Et le gouvernement Harper a en outre été critiqué pour son manque de rayonnement au plan international. Sa politique environnementale a vivement été dénoncée, à l'occasion de la conférence sur le climat à Cancún, tout comme le revers accusé au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les partis d'opposition n'auront donc pas manqué de reproches à adresser aux conservateurs, les accusant tout au long de l'année de malmener le pays, ou d'être carrément «dangereux», comme l'a martelé le chef bloquiste, Gilles Duceppe.

Or, malgré ces critiques incessantes, le premier ministre n'a jamais été renversé par un vote de censure aux Communes. Et il détient même le record de longévité d'un gouvernement minoritaire.

«On doit bien faire quelque chose de bien si on a réussi à conserver la confiance de la Chambre des communes pendant presque cinq ans», avait commenté le leader du gouvernement en Chambre, John Baird, au dernier jour de la session parlementaire.

Changements en vue au gouvernail?

À la veille de 2011, le parti de Stephen Harper est donc néanmoins en bonne posture pour garder le cap, si une élection était déclenchée.

Il a d'ailleurs recruté l'ancien président des Alouettes de Montréal, Larry Smith, qui a été nommé sénateur en attendant de briguer un siège dans la région de Montréal aux prochaines élections.

Et à l'issue des élections partielles qui se sont tenues fin novembre, M. Harper a réussi à faire une percée dans la grande région de Toronto, un territoire qui était jusqu'ici hors d'atteinte des conservateurs.

Mais tout comme son principal adversaire, le Parti libéral du Canada (PLC) de Michael Ignatieff, la formation dirigée par le premier ministre ne récolte pas suffisamment d'appuis dans les sondages pour faire des gains lui assurant une majorité. Un objectif espéré depuis longtemps par M. Harper.

Du côté libéral, malgré les bourdes accumulées par les conservateurs, M. Ignatieff n'a pas réussi à percer auprès de la population. Ses tournées publiques menées au cours de l'été et de l'automne lui auront permis de se faire connaître, mais le leader ne parvient pas à se démarquer, coincé sous la barre des 30 pour cent dans les intentions de vote.

Michael Ignatieff termine tout de même sa deuxième année à la tête du parti avec davantage d'assurance et d'appuis au sein de son caucus. Les chicanes internes parmi les libéraux semblent être choses du passé - pour le moment.

En pleine confiance, le chef libéral a ainsi affirmé, dans une entrevue de fin d'année, que les Canadiens étaient prêts pour une élection, une menace à peine voilée à l'intention de Stephen Harper.

Mais s'il rate sa chance de décrocher le pouvoir, ses jours risquent d'être comptés aux rênes du PLC.

Quant à M. Harper, à défaut d'obtenir une majorité aux Communes, il pourrait décider de se retirer, après six années à la direction de son parti et deux mandats minoritaires à la tête du pays.

La tenue d'une élection n'est toutefois pas garantie, puisque les bloquistes et les néo-démocrates n'ont pas été aussi catégoriques que le leader libéral sur la question. Le chef du NPD répète même qu'il veut «coopérer».

Mais reste qu'un scrutin printanier semble se dessiner et, à l'issue de celui-ci, le paysage politique pourrait se faire fort différent.

Après 13 années à la barre de son parti, le leader du Bloc québécois, Gilles Duceppe, pourrait décider qu'il est temps de quitter le navire.

Et le chef du NPD, Jack Layton, qui dirige sa formation depuis 2003, pourrait être contraint de se retirer en raison de la lutte qu'il mène contre un cancer de la prostate - malgré des pronostics encourageants si l'on se fie à son entourage.

Une course ardue au Québec

L'éventuelle campagne électorale risque de donner lieu à de chaudes luttes au Québec. Le Bloc demeure bien en selle, mais les conservateurs ne sont pas assurés de conserver leurs 11 comtés, et encore moins d'en remporter davantage.

Stephen Harper doit notamment jongler avec les demandes de la Ville de Québec, qui réclame son aide pour financer un nouvel amphithéâtre capable d'accueillir une équipe de hockey professionnelle. Le premier ministre argue que le gouvernement se doit d'être équitable à travers le pays.

Et à l'instar de la dernière campagne électorale, la culture occupera assurément une bonne part des débats, conservateurs et partis d'opposition se faisant déjà la guerre sur un projet de loi sur les droits d'auteur.