Deux autres employés du ministre Christian Paradis sont intervenus pour limiter la divulgation de documents réclamés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.



Ces deux cas s'ajoutent à celui de Sébastien Togneri, un employé du ministre Paradis qui a dû démissionner en octobre pour les mêmes raisons.

Le Commissariat à l'information enquête actuellement sur le cas de M. Togneri et il pourrait rendre ses conclusions publiques dès le début de la prochaine année. «Je l'espère bien», a indiqué la commissaire à l'information du Canada, Suzanne Legault, lors d'un entretien téléphonique avec La Presse.

Selon des échanges de courriels obtenus par La Presse et La Presse Canadienne grâce à la Loi sur l'accès à l'information, Jillian Andrews et Marc Toupin ont tenté d'inciter des fonctionnaires à retenir des documents. Le 21 juillet 2009, M. Toupin a demandé que l'information ne soit pas divulguée parce qu'elle contenait des commentaires «inappropriés». «Les législateurs n'ont pas inclus d'article dans la loi pour les commentaires inappropriés», lui a répondu une fonctionnaire responsable de l'accès au ministère des Travaux publics. La demande visait un rapport fait par un comité fédéral au sujet de l'amiante. On ignore si les documents ont finalement été remis au demandeur.

Le cas de Mme Andrews concerne la visite du président américain Barack Obama en février 2009. Elle a demandé aux fonctionnaires de ne divulguer que ce qui était précisément demandé. Dans ce cas également, on ignore quelle documentation a finalement été rendue publique.

Le ministère des Travaux publics a réagi en disant qu'il respectait la loi. Le bureau du ministre Christian Paradis, qui dirige aujourd'hui le ministère des Ressources naturelles, s'est contenté de rappeler que Sébastien Togneri avait démissionné.

Système complexe

La commissaire à l'information n'a pas voulu commenter ces cas particuliers, mais elle a expliqué que, selon la Loi sur l'accès à l'information, seuls le ministre et la personne à qui il délègue ses responsabilités ont leur mot à dire quant aux documents qui peuvent être divulgués. En principe, cette délégation est faite au fonctionnaire qui dirige le service d'accès à l'information d'un ministère et non pas à du personnel politique.

«Personne d'autre ne devrait intervenir dans le processus d'accès à l'information», a ajouté la commissaire Legault.

Reste à déterminer ce qui constitue une «intervention» au sens de la Loi sur l'accès.

Par exemple, des échanges de courriels entre le bureau du ministre Christian Paradis et des fonctionnaires du ministère des Travaux publics montrent l'existence d'un système bien rodé qui permettait à l'entourage politique du ministre d'être au courant de toutes les demandes d'accès.

Les documents qualifiés de délicats et susceptibles d'être relâchés étaient ainsi désignés comme des «dossiers mauves». Plusieurs étaient alors envoyés au bureau du ministre et passés au peigne fin. Dans certains cas, des fonctionnaires ont même dû insister pour qu'on leur rende les documents afin de pouvoir respecter les délais de divulgation prévus par la loi.

Cinq enquêtes

La commissaire Legault a précisé qu'un tel système n'est pas nécessairement illégal s'il n'occasionne pas de retards et qu'il ne donne pas lieu à des interventions illégales de la part d'employés.

Elle a de plus souligné qu'elle mène actuellement cinq enquêtes sur le sujet, qui devraient clarifier certains paramètres.

Mis à part celle sur Sébastien Togneri, ces enquêtes touchent des documents remis par le ministre des Travaux publics à un comité parlementaire ainsi que deux plaintes portées par des partis politiques.

Le commissariat mène enfin une «enquête systémique» auprès de certains ministères pour voir comment la règle de la délégation est appliquée. Elle espère rendre son rapport à ce sujet d'ici à la fin de l'année 2011.

Avec William Leclerc