Le Bloc québécois veut briser «l'omerta» qui entoure les allégations de corruption et de collusion qui secouent l'Agence du revenu du Canada et l'industrie de la construction au Québec.

À cette fin, le Bloc québécois a formellement demandé hier au puissant comité des finances de la Chambre des communes de tenir des audiences à ce sujet dans les plus brefs délais.

Au nombre des témoins que souhaite faire entendre le Bloc figure l'homme d'affaires Tony Accurso, propriétaire de deux entreprises de construction qui se sont reconnues coupables la semaine dernière d'une fraude fiscale de plus de 4 millions de dollars.

Alors que, au Québec, le gouvernement Charest refuse obstinément d'instaurer une commission d'enquête sur l'industrie de la construction, à Ottawa, les élus pourraient tranquillement se pencher sur cette affaire au début février, à la reprise des travaux parlementaires.

Le Bloc veut aussi entendre le témoignage d'André Saint-Armand, un cadre qui enquêtait sur la corruption à l'Agence du revenu du Canada, qui a été agressé la semaine dernière à sa sortie d'une fête de bureau. Cette agression est survenue après qu'on eut appris que six employés du bureau montréalais de Revenu Canada avaient été congédiés et que trois autres avaient été suspendus sans solde à la suite des enquêtes sur des activités de fraude fiscale impliquant les entreprises de Tony Accurso et l'homme d'affaires Francesco Bruno. Ce dernier a été accusé en mars d'avoir commis des actes criminels en aidant des entreprises de M. Accurso à éluder le paiement de plusieurs centaines de milliers de dollars d'impôts entre 2006 et 2008.

«On veut que ces gens comparaissent et voir ce qui se passe parce que, effectivement, il y a un message qui aurait été envoyé en tabassant l'enquêteur. Il y a beaucoup de gens qui vont hésiter à parler», a affirmé hier le chef bloquiste, Gilles Duceppe.

À l'enquête parlementaire, le Bloc québécois veut aussi faire comparaître les fonctionnaires congédiés ou suspendus ainsi que les responsables du bureau montréalais de l'Agence du revenu du Canada, le vice-président du Syndicat des employés de l'impôt pour la région de Montréal, Sabri Khayat, et le ministre du Revenu national, Keith Ashfield.

Appui des libéraux et du NPD

Le NPD et le Parti libéral ont fait savoir hier qu'ils appuient en principe la motion présentée hier par le député bloquiste Daniel Paillé pour l'instauration de cette enquête parlementaire. Rappelons qu'un comité parlementaire a le pouvoir de contraindre un témoin à comparaître.

«Je pense que c'est important. Nous allons étudier la motion pour nous assurer que c'est la façon la plus efficace de procéder. Mais c'est évident qu'on a besoin d'une étude de ce problème, a affirmé le chef du NPD, Jack Layton. Les allégations sont là. Les questions sont là. C'est notre boulot d'étudier (cette affaire).»

Le député libéral Pablo Rodriguez a pour sa part affirmé: «On est toujours d'accord pour la transparence, pour aller au fond des choses de façon générale.»

Tony Accurso est considéré comme l'un des entrepreneurs en construction les plus importants du Québec. Son nom a souvent surgi dans des affaires controversées, notamment l'année dernière, au sujet de croisières dans les Antilles avec l'ancien président du comité exécutif de la Ville de Montréal, Frank Zampino, et le président de la FTQ, Michel Arsenault.

La semaine dernière, deux de ses entreprises, Simard-Beaudry et Construction Louisbourg, ont plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale pour les années 2003 à 2008. La fraude, qui s'élève à 4,1 millions de dollars, a été réalisée notamment à l'aide de fausses factures totalisant 8,6 millions de dollars. Ces factures ont été faites par des PME pour des services fictifs. Elles ont permis à Louisbourg et à Simard-Beaudry de réduire leurs profits imposables.

Le premier ministre Stephen Harper a affirmé que les cas «d'inconduite» ne seront pas tolérés à Revenu Canada.

«Les inconduites de la part d'employés de l'Agence du revenu du Canada, comme celles soulevées par cette enquête, ne seront pas tolérées par ce gouvernement. Notre gouvernement mènera cette enquête et veillera à ce que l'ARC collabore pleinement», a dit M. Harper.

- Avec André Noël