Le Canada est en train de perdre peu à peu les nombreux avantages qu'il a obtenus en paraphant un accord de libre-échange avec les États-Unis il y a plus de 20 ans à cause de l'embouteillage grandissant qui sévit à la frontière canado-américaine.

Le président de la Chambre de commerce, Perrin Beatty, croit que l'heure est venue d'actualiser cet accord de libre-échange afin d'éliminer les irritants qui existent à la frontière et qui ralentissent la circulation des biens et des personnes.

Dans une entrevue accordée à La Presse, M. Beatty, un ancien ministre influent dans le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, affirme que cet enjeu doit être traité en priorité par le gouvernement Harper et l'administration démocrate de Barack Obama.

«Il faut s'attaquer aux problèmes liés à la frontière. Je crois déceler une certaine ouverture de la part du département de la Sécurité intérieure qui n'existait pas il y a à peine un an. Cela est encourageant. Mais il faut intensifier le dialogue sur cette question avec l'administration américaine», a dit M. Beatty.

M. Beatty a lancé ce véritable cri du coeur alors que le ministre canadien de la Sécurité publique, Vic Toews, est à Washington aujourd'hui afin rencontrer la secrétaire du département de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano. Les deux doivent aborder la question de la sécurité à la frontière.

Il y a deux semaines, M. Beatty s'est rendu à Washington afin de sensibiliser les gens d'affaires et les autorités américaines à l'importance de cet enjeu pour la santé économique des deux pays. Il a aussi prononcé un discours devant les membres de la Chambre de commerce des États-Unis afin de rappeler l'ampleur du partenariat économique entre le Canada et les États-Unis.

«Nous avons bien réussi à éliminer les tarifs entre les deux pays. Mais tous les avantages que nous avons obtenus en faisant cela sont en train de disparaître à cause des coûts qu'entraînent les retards à la frontière. Tout retard à la frontière coûte de l'argent aux entreprises qui brassent des affaires dans les deux pays», a dit M. Beatty.

Les échanges commerciaux ont explosé entre le Canada et les États-Unis durant les années qui ont suivi la signature de l'accord de libre-échange. En 2009, valeur de ces échanges ont atteint 593 milliards. Mais M. Beatty se dit inquiet de voir que les exportations de biens canadiens vers les États-Unis ont diminué de 26,7% en 2009 par rapport à 2008. Les exportations de biens américains vers le Canada ont aussi enregistré une baisse de 21,6% durant la même période.

La récession économique est responsable en partie de cette diminution. Mais M. Beatty croit aussi qu'il s'agit d'une tendance que son organisation a remarquée depuis 2005. «La crise économique peut expliquer en partie ce problème. Mais ce n'est pas tout. Les retards à la frontière, les normes différentes en sont aussi la cause», a-t-il affirmé.

À titre d'exemple, une voiture construite en Amérique du Nord peut franchir plusieurs fois la frontière canado-américaine durant les étapes de production menant à son assemblage final. Mais à chaque fois, cette voiture doit franchir les postes douaniers, à Detroit ou à Windsor, et cela entraîne des retards et des coûts supplémentaires.

Mais des conteneurs qui transportent des voitures venant de l'étranger franchissent les postes de contrôle une seule fois avant d'être acheminées à un concessionnaire pour être vendues. «Nous sommes en train de punir notre propre base industrielle à cause de ce genre de problème», a affirmé M. Beatty.

«Je crois qu'il est temps que nos dirigeants respectifs s'engagent à ce que les États-Unis et le Canada lancent de nouvelles négociations pour pousser plus loin notre partenariat économique», a dit M. Beatty.

L'ancien ministre a soutenu que la construction d'un deuxième pont reliant Windsor et Detroit permettra de régler une partie de ce problème.    Le gouvernement Harper était prêt à accélérer les travaux de construction de ce pont, mais l'État du Michigan, paralysé par la crise économique, n'avait pas les moyens financiers de le faire.

Il croit aussi que le Canada et les États-Unis devraient harmoniser davantage leurs règles en matière de sécurité afin de créer un périmètre nord-américain pour contrer les menaces terroristes. «Les politiques touchant les frontières fondées sur un périmètre nous permettrait d'intercepter les menaces afin qu'elles n'atteignent nos côtes et de gérer les risques sans militariser la frontière», a soutenu M. Beatty.

M. Beatty a affirmé que les deux pays devraient adopter des normes en matière de transport, de sécurité, d'étiquetage des produits et d'inspection des aliments, entre autres choses.

«La relation entre le Canada et les États-Unis est la plus importante et la plus étroite au monde. Mais nous avons des défis à relever et de nouveaux objectifs à atteindre si nous voulons continuer à en tirer profit», a dit M. Beatty.