Le bureau du premier ministre Stephen Harper et celui du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, ont été inondés de courriels de Canadiens en colère en août après que deux femmes entièrement voilées eurent réussi à monter à bord d'un avion d'Air Canada sans montrer leur visage.

La vidéo de cet incident, qui a été tournée par un internaute britannique à un comptoir d'Air Canada à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau de Montréal le 11 juillet, a été diffusée sur YouTube et a fait le tour du monde. L'affaire a d'ailleurs été relevée par le service de monitoring des médias du secrétariat américain de la Sécurité intérieure (Homeland Security).

Les deux femmes en question ont réussi à passer le contrôle de l'embarquement d'un vol assurant la liaison entre Montréal et Londres sans être importunées par l'agent de la compagnie aérienne. L'agent s'est contenté d'accepter qu'un homme qui suivait les femmes présente leurs passeports en leur nom.

Après avoir vu la vidéo, plusieurs Canadiens en colère ont utilisé leur clavier pour exprimer leurs inquiétudes au bureau du premier ministre et à celui du ministre Toews. La Presse a obtenu une soixantaine de ces courriels expédiés entre le 2 et le 7 août grâce à la Loi sur l'accès à l'information. De manière unanime, ils ont demandé au gouvernement de mettre de côté «la rectitude politique» et de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger cette situation.

Une personne de l'Australie a même pris le temps d'envoyer un courriel au ton acerbe à MM. Harper et Toews.

«Je demande des explications. Comment des gens peuvent-ils prendre l'avion sans s'identifier? (...) Ça fait neuf ans maintenant que nous, passagers, nous faisons fouiller, enlevons nos chaussures, montrons notre passeport trois ou quatre fois. Mais les femmes voilées et leurs maris musulmans extrémistes peuvent passer comme si de rien n'était! Je suis tout simplement scandalisé», écrit un correspondant de Montréal.

«Ce que je viens de voir aux nouvelles et sur YouTube est très troublant. Quelqu'un doit faire quelque chose pour stopper cela», affirme un citoyen Winnipeg.

«Je ne suis pas raciste ou bigot, mais je demande au gouvernement du Canada de prendre au sérieux les libertés que prennent certains membres de la communauté musulmane», soutient un correspondant de Hamilton.

Un autre correspondant affirme avoir été témoin d'un événement comparable à l'aéroport d'Edmonton. «Je tiens à vous informer que cela se produit aussi dans d'autres aéroports.»

Il semble que plusieurs députés conservateurs aient aussi été inondés de plaintes de leurs commettants puisqu'ils ont réclamé et obtenu une réunion d'urgence du comité de la sécurité publique de la Chambre des communes le 10 août afin d'étudier «la menace que pose aux Canadiens l'absence de vérification de l'identité des passagers voyageant par avion», selon nos documents.

Durant la réunion à huis clos, les partis de l'opposition ont toutefois refusé la requête des députés conservateurs Shelly Glover, Brent Rathgeber, Phil McColeman et Rick Norlock.

Dès que l'affaire a été rendue publique, début août, le ministre des Transports de l'époque, John Baird, avait demandé la tenue d'une enquête afin de savoir si les membres du personnel des compagnies aériennes respectent les règles les obligeant à voir les visages de tous les passagers qui montent à bord de leurs appareils.

M. Baird, aujourd'hui leader du gouvernement en Chambre, avait qualifié la situation de «très troublante» et avait ajouté que de telles actions posaient «une menace grave à la sécurité des voyageurs aériens».

Trois semaines plus tard, le gouvernement Harper a renforcé les contrôles de sécurité en adoptant un nouveau règlement stipulant que tout «transporteur aérien doit regarder le visage entier d'un passager» avant de le laisser monter dans un avion.

- Avec la collaboration de William Leclerc