En visite officielle à Moscou, le ministre des Affaires étrangères du Canada, Lawrence Cannon, a défendu la souveraineté canadienne dans l'Arctique, hier, mais a catégoriquement refusé de parler de «militarisation» de la région.

«Nous n'avons pas du tout l'intention de militariser l'Arctique», a-t-il dit en conférence de presse, accompagné de son homologue russe, Sergueï Lavrov.

Paradoxalement, le ministre Cannon a enchaîné en soulignant que le Canada exercera sa souveraineté en Arctique «d'abord par une présence robuste des Forces canadiennes et des équipements qui doivent nécessairement entourer leur présence».

Au mois d'août, quand le gouvernement conservateur a dévoilé sa politique sur l'Arctique, il avait affirmé que la souveraineté canadienne y remonte «à très loin», qu'elle est «bien établie et basée sur notre droit de propriété historique». Or, elle n'a jamais été reconnue internationalement.

Preuves à l'ONU

D'ici à 2013, le Canada compte présenter à la commission responsable de l'application de la convention des Nations unies sur le droit de la mer les preuves que la dorsale de Lomonossov est le prolongement du territoire canadien. «Nous croyons que notre dossier prévaudra, avec le soutien de preuves scientifiques», a déclaré hier le ministre Cannon.

Mais, sur ce point, la Russie a déjà une longueur d'avance. En 2001, elle a déposé de premières études au soutien de la thèse du rattachement de ces montagnes sous-marines au continent eurasien. Elles n'avaient été ni rejetées ni acceptées. Depuis, les Russes étayent leur dossier.

Le Danemark aussi s'est mis de la partie et cherche à faire reconnaître la dorsale comme la continuité du Groenland.

L'attrait pour l'Arctique s'est accru depuis quelques années, la fonte de la calotte glaciaire rendant plus accessibles des gisements d'hydrocarbure qui pourraient représenter 13% des réserves de pétrole et 30% des réserves de gaz naturel non découvertes du globe. Les États-Unis et la Norvège y ont également des revendications territoriales.

Ottawa n'inquiète pas Moscou

Le ministre des Affaires étrangères de la Russie n'a pas semblé trop s'inquiéter de la position canadienne, hier. «Toute revendication doit être basée sur des faits scientifiques que la commission examinera. C'est là que l'on décidera qui a raison et qui a tort», a déclaré Sergueï Lavrov.

Même si la Russie déploie elle aussi des troupes en Arctique, on ne peut parler de militarisation du territoire, selon lui: «Le Canada et la Russie ont bien sûr une responsabilité à l'égard de la sécurité de leurs frontières et des voies maritimes qui passent près de ces frontières. Et nous allons naturellement remplir cette responsabilité par des gestes pratiques.»

«Nous ne voyons pas quel pourrait être l'apport de l'OTAN dans l'Arctique», a ajouté le ministre Lavrov, sans plus de détail.

Le Canada intercepte régulièrement des bombardiers russes qui s'approchent de son territoire aérien dans le Grand Nord. Au mois d'août, au cours d'une visite en Arctique où il était allé observer le déroulement d'exercices militaires de plus en plus imposants chaque année, le premier ministre Stephen Harper s'était d'ailleurs servi d'un incident du genre pour justifier l'achat de 65 chasseurs furtifs qu'il venait d'annoncer, au coût de 16 milliards de dollars.