À trois semaines d'un vote crucial sur le démantèlement partiel du registre des armes à feu, le chef du NPD, Jack Layton, tente de trouver un compromis pour éviter que son parti soit tenu responsable de l'abolition de cet outil, que les corps policiers utilisent fréquemment.

En conférence de presse, lundi, M. Layton a indiqué que le NPD présentera un projet de loi privé à la reprise des travaux parlementaires, le 20 septembre. Il prévoirait la mise à l'amende de ceux qui oublient d'enregistrer une arme plutôt que des accusations criminelles comme c'est le cas actuellement.

En outre, ce projet de loi annulerait les frais d'enregistrement, protégerait les droits des autochtones reconnus dans les traités et respecterait davantage le droit à la vie privée des propriétaires d'arme à feu.

Ce compromis ressemble à plusieurs égards à ce qu'avait proposé au printemps le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff. Il survient alors que la GRC doit rendre public aujourd'hui un rapport favorable au maintien du registre des armes à feu.

M. Layton est engagé dans une course contre la montre pour convaincre 12 de ses 36 députés de ne pas voter en faveur du projet de loi privé C-391 de la députée conservatrice Candice Hoeppner. Ce projet de loi vise à abolir l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule comme les fusils de chasse, une promesse de longue date des conservateurs.

Le vote des députés néo-démocrates pourrait permettre au gouvernement minoritaire de Stephen Harper de faire adopter ce projet en troisième lecture. Bien qu'il appuie farouchement le maintien du registre, M. Layton refuse d'imposer la ligne du parti à ses troupes parce que le NPD a toujours permis le vote libre sur les projets de loi privés.

Au Québec, le NPD pourrait payer un prix politique élevé s'il contribuait à la fin du registre pour les armes d'épaule. Les libéraux comptent d'ailleurs utiliser cette affaire pour reprendre le bastion libéral d'Outremont, actuellement détenu par le néo-démocrate Thomas Mulcair.

Un vote doit avoir lieu le 22 septembre sur une motion du député libéral Mark Holland visant à tuer le projet de loi privé C-391. Si la motion du député Holland est rejetée, le vote sur le projet de loi de Mme Hoeppner aura lieu plus tard.

Ce projet de loi avait été adopté en deuxième lecture au mois de novembre dernier grâce à l'appui de 8 libéraux et de 12 néo-démocrates, soit le tiers du caucus du NPD. Les conservateurs détiennent 144 sièges aux Communes. La majorité absolue est de 155 sièges.

Mais depuis ce vote, Michael Ignatieff a indiqué que tous ses députés devront voter contre le projet de loi controversé. Résultat : le sort du registre repose maintenant entre les mains des néo-démocrates.

Pays «divisé»

Devant les journalistes, lundi, M. Layton a accusé le premier ministre Stephen Harper de favoriser la division pour arriver à ses fins. «Ce pays est, sans aucun doute, divisé. Dans des proportions différentes en fonction des provinces. Mais partout le sujet divise. Il n'y a pas de consensus», a dit M. Layton.

Après avoir expliqué les mesures qu'il propose, M. Layton a appelé les autres partis à mettre fin à la querelle entre les régions rurales et les régions urbaines sur l'utilité du registre des armes à feu.

«Rien ne nous empêche de travailler ensemble pour trouver une solution qui va nous rassembler», a-t-il ajouté, rejetant au passage tout blâme pour l'éventuel démantèlement du registre des armes à feu.

Or, la manoeuvre de M. Layton risque d'être un coup d'épée dans l'eau puisque le vote sur la motion de M. Holland aura lieu avant même que le NPD puisse présenter son projet de loi.

Le Parti libéral a réagi à la proposition de M. Layton en l'accusant de manquer de leadership. «Si le registre des armes est aboli le 22 septembre, ce sera parce que Jack Layton et le NPD n'auront pas démontré de vrai leadership. (...) Thomas Mulcair devrait exercer son influence dans ce parti et amener le NPD à voter pour sauver le registre. On exige que les néo-démocrates rejettent ce projet de loi», a affirmé le député Geoff Reagan.

La bloquiste Maria Mourani a qualifié de «foutaise» le compromis proposé par le NPD. «L'heure de vérité, c'est le 22 septembre», a-t-elle dit. La conservatrice Candice Hoeppner l'a pour sa part qualifié de «poudre aux yeux».

- Avec Hugo de Grandpré