Le long formulaire de recensement est un bien public: voilà le cri du coeur lancé vendredi par le président de l'Institut de recherche en politiques publiques au comité parlementaire qui se penche sur la décision du gouvernement de l'abolir.

Mel Cappe a été plus que clair: les partis doivent trouver une façon de conserver le caractère obligatoire du formulaire tout en minimisant le fardeau et les conséquences pour les citoyens.

«Le long formulaire de recensement est un bien public. C'est un terme technique, mais c'est une bonne description», a-t-il expliqué, ajoutant que ce formulaire «sert le public».

«On a besoin de données auxquelles on peut se fier», a martelé M. Cappe, montrant à quelques reprises des signes d'irritation devant les commentaires de députés conservateurs.

Ses propos ont trouvé écho dans le long défilé de témoins  - chercheurs, professeurs et statisticiens - qui ont aussi réclamé le maintien du caractère obligatoire du formulaire de recensement auprès des députés du comité de la Chambre des communes, qui siègent pour une deuxième journée à ce sujet.

Une position aussi défendue par les partis d'opposition.

M. Cappe a auparavant été le plus haut fonctionnaire du pays lorsqu'il était greffier du Conseil privé. Il a passé 30 ans au sein de la fonction publique canadienne, servant ainsi sept premier ministres dont Stephen Harper.

Il a notamment suggéré d'abolir les peines de prisons pour ceux qui omettent de répondre au long questionnaire - une suggestion avec laquelle tous les partis à Ottawa semblent maintenant d'accord.

Mais, pour la majorité de ceux qui ont témoigné vendredi, pas question de laisser tomber l'obligation de remplir le formulaire, ni la possibilité d'imposer des amendes pour ceux qui ne s'acquittent pas de cette tâche.

Car un sondage volontaire - comme celui proposé par le gouvernement avec sa nouvelle «Enquête nationale auprès des ménages» - serait loin d'accomplir les mêmes résultats.

Ce serait même la pire méthode de collecte de données, a indiqué  Jean-Pierre Beaud, doyen de la Faculté de sciences politiques et de droit de l'Université du Québec à Montréal.

La méthode par sondage avec échantillon de volontaires «est utilisée faute de mieux, comme dans les enquêtes médicales. Et avec de gros problèmes», a-t-il fait valoir.

Selon lui, les recherches ont démontré que les questionnaires volontaires n'obtiennent un taux de réponse que de 70 pour cent alors que le taux de ceux qui sont obligatoires frôle les 98 pour cent.

De plus, si le formulaire est rempli sur une base volontaire, les données recueillies ne seraient plus aussi fiables car certains groupes seraient sous-représentés dans les statistiques obtenues, comme les membres des Premières nations et ceux de communautés défavorisées qui ne le remplissent pas en assez grand nombre.

Ce qui ne permettrait pas au gouvernement d'offrir des services adéquats à ceux qui en ont le plus besoin, ont répété les témoins.

Ils ont entre autres cité le besoin d'avoir des données pour déterminer les zones de pauvreté, les endroits où les services de transports en commun sont les plus criants et la nécessité d'identifier rapidement les populations les plus vulnérables en cas de pandémie, comme cela fut le cas pour la grippe H1N1.

«Éliminer le long formulaire de recensement ne serait pas rendre un service aux Canadiens», a ainsi conclu sur cet aspect le président du Conseil national de la statistique, Ian McKinnon.

Le député conservateur Mike Lake - qui siège au sein du comité - a affirmé que le gouvernement est tout à fait favorable à l'obtention d'information.

«Personne ne dit que l'information n'est pas importante. On aime tous avoir de l'information, de la bonne information. Mais dans une grande démocratie comme le Canada, nous devons trouver de meilleures façons d'obtenir de l'information que de menacer les citoyens avec la prison et des amendes», a-t-il expliqué.

Répliquant aux témoins qui ont affirmé que ceux qui risquent de ne pas répondre au formulaire détaillé sont surtout des personnes défavorisées, il a justement fait remarquer l'ironie de menacer ces personnes vulnérables avec des amendes qu'ils ne pourront pas payer.

Certains des témoins ont apporté leur soutien à la décision du gouvernement. L'un deux, un agriculteur qui a eu à remplir à la fois le formulaire détaillé et celui plus spécifique aux fermiers, a qualifié le formulaire d'«encombrant» et de «gruge-temps».

Le vice-président de l'organisation Canada First Community a affirmé être contre l'obligation de remplir le long formulaire, soulignant notamment que de nombreux immigrants ont justement choisi de vivre au Canada pour la liberté qu'on y trouve.

Peu avant la fin de la réunion de vendredi, le comité a adopté une motion pour recommander au gouvernement, vu le consensus à ce sujet, de rétablir le caractère obligatoire du formulaire détaillé de recensement et pour supprimer les peines d'emprisonnement. Tous les conservateurs ont voté contre, mais l'opposition majoritaire l'a emporté.

Le comité fera rapport au Parlement sur son étude du formulaire dès la reprise des travaux en septembre.