Des experts en sécurité aérienne sont préoccupés par des images diffusées sur YouTube, où l'on voit deux femmes au visage voilé qui montent à bord d'un avion à l'aéroport Montréal-Trudeau, sans apparemment qu'on leur ait demandé de se découvrir le visage pour vérifier leur identité.

Cette vidéo, qui aurait été captée par un camionneur britannique le mois dernier, a continué à faire réagir, lundi.

Selon au moins un expert, le phénomène pourrait être plus répandu qu'on ne croit. «Pourtant, la loi est claire: une personne qui refuse de s'identifier ne devrait pas monter à bord», a noté Claude Sarrazin, président de la firme d'enquête et de sécurité SIRCO.

Lundi, la chaîne Sun Media a rapporté que ce genre de situation n'est pas exclusive à l'aéroport Montréal-Trudeau: un employé de l'aéroport Pearson de Toronto aurait confié que peu de femmes musulmanes doivent montrer leur visage avant l'embarquement.

«C'est une importante entorse à la sécurité parce que, par le passé, des gens ont utilisé le costume d'une femme voilée pour faire des attentats», a souligné pour sa part Michel Juneau-Katsuya, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

«Je n'ai jamais vu d'incident du genre au Canada, a-t-il toutefois précisé. J'espère que ce n'est pas courant.»

Respect des règles

Le transporteur aérien en cause, Air Canada, affirme respecter toutes les règles imposées par le gouvernement fédéral. La société n'a pas voulu se prononcer sur cet incident précis, mais la porte-parole Isabelle Arthur a indiqué que la vidéo avait été l'occasion de rappeler à tous les employés les «procédures obligatoires qu'ils doivent suivre» et de travailler avec Transports Canada à ce sujet.

Lorsqu'une voyageuse a le visage voilé par un niqab ou une burqa, le protocole veut que l'on demande à procéder à une vérification «en privé, à l'écart du regard de tous les autres passagers», a précisé la porte-parole.

Afin de déterminer si ces précautions ont réellement été prises lors de cet incident précis, le ministre fédéral des Transports, John Baird, a commandé dimanche une enquête interne au sein de son ministère.

Cette enquête doit notamment déterminer si les directives du gouvernement sont suffisamment claires pour permettre au personnel des aéroports de faire face à ce genre de situation.

«C'est la raison pour laquelle M. Baird a lancé une enquête: pour clarifier s'il y a des lacunes dans la réglementation ou dans l'application de la réglementation actuelle», a dit hier à La Presse le ministre de l'Immigration et du Multiculturalisme, Jason Kenney.

«Tout le monde qui embarque dans un avion doit subir un contrôle d'identité», a par ailleurs déclaré le ministre. «On ne peut pas comparer la photographie du passeport avec une personne voilée. C'est impossible.»

«Faille dans le système»

Mis à part le NPD, les partis de l'opposition à Ottawa ont été prudents dans leurs réactions. Le Bloc québécois n'a pas voulu réagir. Un porte-parole du Parti libéral a par ailleurs déclaré: «Il est évident qu'on peut être respectueux tout en se conformant aux règles de sécurité. Le contrôle de l'identité des passagers est important et il est normal que tous les passagers s'y soumettent.»

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique et député d'Outremont, Thomas Mulcair, a été plus cinglant: «Ils sont rendus à nous faire passer dans des scanners qui montrent les gens nus à l'aéroport et là, ils ne vérifient même pas si c'est la bonne personne... C'est quand même un paradoxe.»

«L'évidence, c'est que le Canada a des failles dans son système de sécurité dans les aéroports», a-t-il dit avant de souligner que, en tant que ministre des Transports, John Baird était l'ultime responsable.

Selon le président de la firme de sécurité SIRCO, les résultats de l'enquête interne ne devraient pas se faire attendre trop longtemps. «C'est une enquête simple parce que partout dans l'aéroport, il y a des systèmes de caméras», a dit Claude Sarrazin.

Selon lui, si Air Canada a mal agi, «théoriquement, il devrait y avoir une amende, ou au moins une directive à tous les transporteurs».

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Les trois contrôles de sécurité au départ des passagers

1- Les agents de la douane inspectent les gros bagages de soute.

2- Les agents de fouille de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien vérifient les bagages à main manuellement et aux rayons X. Ils font passer les passagers dans les détecteurs de métal.

3- Les préposés des différents transporteurs aériens vérifient les cartes d'embarquement et les passeports de leurs passagers pour s'assurer que le tout concorde.

À l'arrivée des passagers

Les agents de la douane se chargent de vérifier l'identité des passagers et leurs bagages, s'il y a lieu.