Malgré les nombreuses critiques, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, ne reviendra pas sur sa décision d'abréger le questionnaire du recensement canadien. « Je ne réviserai pas ce dossier «, a-t-il lancé hier en marge d'une visite des bureaux de Génome Canada à l'Université McGill.

Jusqu'ici, le recensement quinquennal comportait deux questionnaires : l'un court, de huit questions, et l'autre d'une cinquantaine de questions, envoyé à 20 % des ménages. Dans les deux cas, les ménages avaient l'obligation d'y répondre sous peine de sanctions. Au prochain recensement, seule la version courte sera obligatoire, et la version « longue «, considérablement abrégée, sera optionnelle. Depuis les années 90, une cinquantaine de citoyens ont porté plainte. Le ministre Clement dit répondre à ces doléances. « Nous sommes du côté des Canadiens qui trouvent qu'un recensement obligatoire est trop coercitif «, affirme-t-il.

La nouvelle version coûtera 30 millions de plus, sur un budget total de 660 millions de dollars.

Dans son éditorial publié hier, le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) soutient que le recensement n'était pas trop contraignant ou indiscret. Les Canadiens reçoivent le questionnaire long en moyenne une fois aux 25 ans, et leurs réponses restent confidentielles, rappellent les auteurs, Marsha Cohen et Paul C. Hébert. Ils ajoutent que le Service canadien du renseignement de sécurité n'a pas accès aux données de Statistique Canada. « Étant donné les bénéfices, il ne semble pas abusif de demander 1 heure aux 25 ans à chaque ménage «, écrivent-ils.

L'Institut de la statistique du Québec et la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, ont aussi dénoncé hier la décision du fédéral. Ils s'ajoutent aux critiques qui comptent entre autres l'Institut de recherche en politiques publiques, la Direction de santé publique de Toronto, la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada, le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser, et l'institut C.D. Howe.

Selon l'Institut de la statistique du Québec, cette nouvelle façon de faire ne fera que fausser le recensement. « Ça va nuire à la fiabilité, à la cohérence et à la comparabilité des résultats «, résume sa directrice générale adjointe, Louise Bourque.

Plus de 96 % des ménages avaient répondu au dernier recensement. Comme le questionnaire long devient optionnel, ce taux devrait diminuer. Pour compenser, le gouvernement l'enverra à près d'un ménage sur trois au lieu d'un ménage sur cinq.

Les résultats risquent d'être moins représentatifs, prévient Mme Bourque. « Les gens qui répondent moins ont un profil différent des autres, explique-t-elle. Par exemple, ils peuvent venir de milieux défavorisés ou ne pas maîtriser une des deux langues officielles. « Un analyste de la Banque TD et consultant de Statistique Canada, Don Drummond, craint d'ailleurs que les Blancs de classe moyenne soient surreprésentés dans le prochain recensement.

De plus, comme la méthodologie change, Mme Bourque soutient qu'on pourra difficilement comparer les résultats de 2011 aux précédents. On pourra donc difficilement évaluer les résultats des programmes sociaux. « Si la pauvreté diminue dans un quartier difficile de Montréal, est-ce que ce sera à cause d'une nouvelle mesure sociale ou à cause de la méthode? On ne le saura pas. On vient de créer un bris de série «, ajoute-t-elle.

Le CMAJ renchérit : « Le gouvernement Harper sape la prise de décision basée sur des faits. Pour un gouvernement dont la priorité est la reddition de comptes, ce choix laisse perplexe. «