Il y a 12 ans, Ricardo Miranda, Irma Luque et leur fils, Cristian, ont quitté le Chili pour s'établir au Canada. À Montréal, ils sont tombés entre les mains d'un consultant malhonnête qui leur a réclamé près de 8000$ pour les guider dans le dédale bureaucratique du système d'immigration.

«Nous avions mis toute notre foi en lui parce qu'il avait promis de nous aider», a raconté Irma Luque, de passage à Ottawa, mardi.Ce n'est que plusieurs années plus tard, lorsqu'un policier a vérifié le permis de conduire de Ricardo, que la famille a compris qu'elle s'était fait escroquer: tous leurs papiers étaient faux. M. Miranda a même passé quelques jours en prison, et toute la famille était passible d'expulsion.

Ils ont ensuite fait une véritable demande en bonne et due forme, à l'aide d'un consultant honnête, et ont finalement été déclarés immigrants reçus... après 12 ans au Canada.

De nombreux cas

L'histoire de la famille Miranda-Luque n'est pas unique. Chaque année, des centaines d'immigrants se font piéger par des fraudeurs.

«Si la plupart des consultants en immigration au Canada travaillent de manière éthique et professionnelle, malheureusement, plusieurs agissent de façon malhonnête, voire illégale, en tirant profit des gens qui rêvent de venir ici», a souligné mardi le ministre de l'Immigration, Jason Kenney.

Ottawa a donc décidé de sévir: le ministre Kenney espère faire adopter rapidement la loi sévissant contre les consultants véreux, qui vise à «protéger les nouveaux arrivants en s'attaquant à ceux qui leur donnent des conseils erronés, ou qui offrent des services de consultant en immigration sans être accrédités pour le faire».

Si le projet de loi est adopté tel quel, seuls des avocats, des notaires et des consultants dûment inscrits auprès d'une entité gouvernementale pourront fournir des conseils en immigration moyennant des honoraires. Selon les nouvelles règles, les fraudeurs seraient passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à 50 000$ et pourraient passer jusqu'à deux ans sous les verrous.

«Il est très évident que la fraude constitue une menace considérable pour l'intégrité de nos programmes en matière de citoyenneté et d'immigration et qu'elle nous coûte cher», a souligné le ministre Kenney.

Reste le problème des consultants en immigration qui font affaire dans les pays étrangers, qui ne sont donc pas soumis aux lois canadiennes. «Le Canada mettra en place une stratégie pour encourager fortement les gouvernements des pays qui sont des sources importantes d'immigration pour le Canada à suivre notre exemple et à implanter des règles strictes», a expliqué le ministre Kenney.

Nouvel organisme

Ottawa, où l'on estime que la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI) créée en 2004 ne fait pas un travail satisfaisant, lance par ailleurs un appel d'offres pour trouver un organisme de réglementation qui sera chargé de régir les activités des consultants.

Le ministre a souligné la «complémentarité» de ces nouvelles règles et de la vaste réforme du système des réfugiés qu'il a présentée en mars dernier.

Très critique à l'égard de cette proposition de réforme, la critique du NPD en matière d'immigration, Olivia Chow, a toutefois appuyé sans réserve le projet de loi pour mettre un terme à l'exploitation des nouveaux arrivants par des consultants malhonnêtes.

«Si son adoption peut être accélérée, ce serait bien. Parce que ça fait très longtemps qu'on attend que le gouvernement s'attaque aux consultants véreux», a dit Mme Chow, qui craint cependant que les ressources ne soient pas suffisantes pour faire respecter la loi.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, craint pour sa part qu'Ottawa n'empiète sur les compétences du Québec en matière de reconnaissance professionnelle, ce à quoi le ministre Kenney rétorque qu'il a consulté les provinces et qu'elles sont d'accord avec son projet de loi.