Annoncée en grande pompe par Stephen Harper en octobre 2007, la Stratégie nationale antidrogue accuse d'importants retards dans la mise en oeuvre de ses volets traitement et prévention, révèle un rapport d'évaluation produit par le gouvernement le 10 janvier. Et elle coûte de plus en plus cher.

Programme-phare du gouvernement Harper, cette stratégie se divise en trois volets: traitement, prévention et application de la loi.

Le premier ministre en avait lui-même fait l'annonce, en compagnie du ministre de la Santé de l'époque, Tony Clement. Ils avaient promis d'arrêter plus de criminels tout en aidant les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance.

 

Contretemps et autres difficultés

MM. Harper et Clement avaient également promis d'allouer les deux tiers des fonds de la Stratégie à la prévention et au traitement des toxicomanies, ce qui avait apaisé certaines critiques. Au total, ces fonds s'élevaient à 64 millions de dollars pour deux ans.

Or, plus de trois ans plus tard, la réalité semble légèrement différente, indique le rapport rédigé par une division chargée de faire l'évaluation du rendement et de la planification au ministère de la Justice du Canada.

«De nombreuses composantes, en particulier celles qui font partie des Plans d'action sur la prévention et sur le traitement, ont subi des contretemps et autres difficultés, et sont en retard par rapport à leur calendrier de mise en oeuvre», peut-on lire.

On a expliqué ces retards par plusieurs facteurs, dont un nombre insuffisant de fonctionnaires, la difficulté de faire comprendre et accepter les nouveaux programmes aux partenaires communautaires, et des problèmes de coordination avec les provinces.

«Il résulte de ces défis qu'environ un tiers des fonds alloués à la Stratégie n'ont pas été dépensés au cours des deux premiers exercices fiscaux», disent les auteurs du rapport.

Dix fois plus cher

Concrètement, trois des quatre programmes de prévention et cinq des sept programmes de traitement ont accusé des retards ou ont été lents à démarrer.

C'est le cas, notamment, du Programme de financement du traitement de la toxicomanie, dont le «déploiement accuse une année de retard par rapport au calendrier de la stratégie». On explique ce retard par une série de facteurs, dont les élections de l'automne 2008 et la difficulté de coordonner la mise en oeuvre du programme avec les provinces, plusieurs n'ayant toujours pas répondu aux demandes du fédéral.

En revanche, le plan d'action sur l'application de la loi, qui consistait notamment à donner des ressources supplémentaires au Bureau directeur des poursuites pénales ou aux équipes de laboratoire de la GRC, est largement mis en oeuvre comme prévu. Aucun de ses 10 programmes n'accuse de retard.

«La mise en oeuvre s'est révélée moins problématique (pour ce plan d'action), vraisemblablement parce qu'il consistait pour l'essentiel en améliorations de capacités qui ne nécessitaient aucune réorientation ou élaboration de programmes», peut-on lire dans le document.

En tout et pour tout, 86% des fonds alloués à l'application de la loi ont été dépensés, comparativement à 74% pour la prévention et à seulement 46% pour le traitement. Dans ce dernier cas, ce sont les retards accusés par le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie qui explique un tel rendement. Ce programme compte pour 70% des dépenses du Plan d'action sur le traitement.

Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été annoncé en octobre 2007, les coûts de la Stratégie nationale antidrogue ne sont plus de 64 millions de dollars en deux ans, mais bien de 578,5 millions en cinq ans si l'on tient compte des augmentations de budget qui ont été consenties depuis et de l'argent déjà versé. De cette somme, 300 millions proviennent de nouveaux fonds - ce qui inclut les 64 millions annoncés - alors que 278 millions proviennent de programmes existants.

Évaluation impossible

«Dans l'ensemble, l'évaluation de la mise en oeuvre de la Stratégie nationale antidrogue a permis de conclure qu'elle a été largement réussie», dit Geneviève Breton, directrice des communications du ministre de la Justice, Rob Nicholson. Le rapport note entre autres choses que toutes les composantes ont finalement été mises en oeuvre et que la stratégie canadienne a servi de modèle au Chili.

«L'évaluation formative de la Stratégie a confirmé que le gouvernement fédéral a un rôle légitime et nécessaire à jouer dans la prévention, le traitement et l'application de la loi relative aux problèmes de drogues illicites», a renchéri une porte-parole du ministère de la Justice, Carole Saindon.

On ignore toutefois si le ministre ou le Ministère accepteront de modifier les dates et les paramètres d'évaluation des résultats de la Stratégie, comme le recommande le rapport. «Bon nombre de programmes ne seront vraisemblablement pas en mesure de faire rapport des résultats», concluent les auteurs.

Avec la collaboration de William Leclerc