Après trois jours de questions incessantes, le gouvernement canadien a finalement dit, hier, qu'il appuyait la tenue d'une enquête «rapide et transparente» sur le raid israélien de lundi, qui s'est soldé par la mort d'au moins neuf personnes et l'arrestation de plusieurs centaines de militants.

Mais du même souffle, Ottawa s'est placé en défenseur d'Israël, appelant la communauté internationale à faire preuve de plus de retenue avant de condamner l'État hébreu.

 

«Nous demandons aux États et aux organisations internationales de ne pas porter un jugement hâtif avant que toute l'information soit connue», a rétorqué en chambre le ministre d'État aux Affaires étrangères, Peter Kent, après que le premier ministre Stephen Harper eut esquivé les questions à ce sujet pendant deux jours. M. Harper ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, se trouvaient hier à bord d'un avion en route vers l'Europe au moment où le dossier a rebondi aux Communes.

Le ministre Kent a par ailleurs affirmé que le Canada était «préoccupé» par la situation humanitaire à Gaza, «en dépit du fait que Gaza est gouverné par une organisation terroriste», a-t-il ajouté. «Le Canada comprend pleinement les inquiétudes légitimes d'Israël quant à sa sécurité», a-t-il toutefois conclu.

Pro-israélien

Position idéologique ou calcul politique? La réaction du gouvernement canadien, dans les derniers jours, ne surprend guère les politologues et spécialistes des relations du Canada avec le Moyen-Orient.

«C'est probablement le gouvernement le plus pro-israélien du monde, aujourd'hui, estime le professeur d'histoire politique à l'Université de Montréal Yakov Rabkin. Le Canada prend maintenant des positions automatiques en faveur de l'État d'Israël, même quand les États-Unis expriment des doutes.»

Ces positions plaisent à un électorat très à droite, alors qu'une vaste partie de la population est plutôt indifférente sur la question, croit le spécialiste.

Selon Jean-Pierre Derriennic, professeur au département de sciences politiques de l'Université Laval, c'est entre autres par «calcul tactique» et pour profiter de la division au sein du Parti libéral sur la question israélo-palestinienne que le gouvernement canadien adopte des positions tant pro-israéliennes.

«Harper n'aura pas de problème dans son parti avec la position qu'il prend, juge M. Derriennic. Alors que Michael Ignatieff (chef libéral) aurait un problème grave avec son parti s'il prenait position soit dans un sens, soit dans l'autre. C'est une façon supplémentaire pour M. Harper d'embêter ses adversaires.»

La politologue Marie-Joëlle Zahar, de l'Université de Montréal, croit pour sa part qu'il est davantage question d'idéologie que de politique interne.

«Beaucoup d'affinités»

«Il y a beaucoup d'affinités entre les gouvernements canadien et israélien au point de vue de la perception des problèmes et menaces à la sécurité internationale, souligne Mme Zahar. Notre gouvernement a une politique très dure à l'égard du Hamas et de la bande de Gaza. En fait, le gouvernement canadien est d'accord avec la manière dont Israël agit dans ce cas-là, même s'il regrette les débordements, comme la mort d'hommes.»