Les réactions cinglantes de certains députés libéraux ont forcé Michael Ignatieff à être moins chaud à la proposition des conservateurs de réformer le système canadien des demandeurs du statut de réfugié.

Des sources ont indiqué que le chef libéral avait promis de réfléchir davantage à l'enjeu après qu'il eut entendu les doléances de ses collègues lors d'une réunion de son caucus à huis clos.

Un groupe de députés, incluant la totalité du caucus québécois, ont confié à M. Ignatieff qu'ils ne pouvaient, ni n'appuieraient la proposition de réforme - même si le gouvernement a accepté les amendements proposés par le critique libéral en matière d'immigration, Maurizio Bevilacqua.

Des sources ont précisé que M. Bevilacqua était le seul député présent à la rencontre du caucus libéral à appuyer la réforme du projet de loi.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, avait annoncé des modifications à son plan de réforme de la loi sur les demandeurs du statut du réfugié plus tôt cette semaine.

Au passage, il n'avait pas tari d'éloges envers M. Bevilacqua après qu'il eut prêté main-forte à la rédaction du projet de réforme qui aurait pu être adopté par le gouvernement avant que le Parlement ne ferme ses portes pour l'été, plus tard en juin.

Mais les collègues libéraux de M. Bevilacqua ne l'entendaient pas ainsi. Certains ont prétendu en privé que la volonté de M. Bevilacqua d'en arriver à une entente était motivée par son désir d'obtenir l'appui des conservateurs dans une hypothétique course à la mairie de Vaughan, en Ontario.

M. Bevilacqua a refusé de commenter cette rumeur.

Publiquement, plusieurs députés libéraux ont dénigré le projet de réforme appuyé par le critique libéral de l'Immigration - particulièrement la proposition d'établir une liste de pays dits sécuritaires.

Les demandeurs de statut de réfugié issus de ces pays sécuritaires passeraient alors au travers d'un processus expéditif, puisqu'en théorie la majorité d'entre eux verraient éventuellement leur demande être rejetée. L'idée derrière cette réforme est de couper l'herbe sous le pied des fraudeurs, qui profitent des délais de traitement de leur demande pour exploiter le système canadien.

«À titre de libéral depuis les 25 dernières années, je ne peux appuyer la moindre liste de pays désignés», a dit Denis Coderre, ancien ministre de l'Immigration.

Le député de Toronto Jim Karygiannis s'est opposé à la perspective de créer de l'obstruction politique dans la création d'une liste des pays sécuritaires.

«À quel prix vendons-nous nos valeurs aux conservateurs?», a-t-il questionné.

«Je suis du côté des gens qui sont en faveur d'une réforme juste du système de demandeurs du statut de réfugié, qui reflète les valeurs canadiennes que la communauté internationale chérit et respecte», a conclu M. Karygiannis.

Certains députés libéraux ont estimé que M. Bevilacqua avait négocié les amendements au projet de loi de M. Kenney avec la bénédiction de M. Ignatieff. D'autres estiment au contraire que M. Ignatieff avait donné son accord pour entamer le processus de réforme de la loi sur les demandeurs du statut de réfugié, sans toutefois signer de chèque en blanc - une nuance qui selon eux a été prise à la légère par M. Kenney lorsqu'il a annoncé qu'une entente était intervenue entre les deux partis dans le dossier.