Le premier ministre Stephen Harper demanderait à tous ses députés conservateurs de voter contre un éventuel projet de loi qui aurait pour effet de criminaliser de nouveau l'avortement au pays.

Les députés qui oseraient défier l'autorité du premier ministre dans ce dossier, même ceux qui s'opposent à l'avortement, risqueraient de s'exposer à des sanctions qui pourraient aller jusqu'à l'expulsion du caucus, a-t-on indiqué mercredi à La Presse.

Devant la controverse qui s'amplifie sur la question de l'avortement depuis quelques semaines, le gouvernement Harper a tenu mercredi à dissiper les soupçons qui persistent au sujet de ses intentions.

«La position du gouvernement canadien a toujours été claire. Nous n'avons aucunement l'intention d'appuyer ou de lancer un quelconque projet de loi qui rouvrirait le débat sur l'avortement», a affirmé mercredi une source gouvernementale.

«Et si un projet de loi privé visant à criminaliser de nouveau l'avortement était déposé, ce serait un vote de parti. Donc, tous les députés seraient contraints de voter contre ce projet de loi. Nous ne voulons jamais qu'un tel projet de loi passe», a ajouté cette source digne de foi.

La question de l'avortement a été propulsée à l'avant-scène de l'actualité au cours des dernières semaines, après que le premier ministre Stephen Harper eut refusé de financer des services d'avortement dans les pays en voie de développement dans le cadre de son initiative pour la santé maternelle et infantile qui sera discutée au prochain sommet du G8 à Toronto, à la fin du mois de juin.

La semaine dernière, des groupes opposés à l'avortement ont manifesté sur la colline parlementaire et ont exprimé leur grande satisfaction de voir le gouvernement Harper refuser de céder aux pressions de l'opposition dans ce dossier.

Dans le passé, des députés conservateurs et des députés libéraux ont déposé des projets de loi visant à limiter l'accès à l'avortement ou à carrément le criminaliser. Tous ces projets de loi sont morts au feuilleton.

119 députés contre l'avortement

Selon un décompte qu'a réalisé la Coalition pour le droit à l'avortement du Canada, il y aurait 119 députés aux Communes qui s'opposent à l'avortement sur un total de 308. Au moins 125 députés favoriseraient le libre choix tandis que 64 refuseraient d'exprimer publiquement leur opinion.

En avril, le député conservateur de Winnipeg-Sud, Rod Bruinooge, a présenté un projet de loi privé afin de rendre illégal le fait de pousser une femme à se faire avorter. M. Bruinooge, président du caucus pro-vie au Parlement qui réunit une trentaine de députés conservateurs et libéraux, a soutenu que son projet de loi ne changerait en rien la légalité de l'avortement au pays.

Son projet de loi porte le nom de Loi de Roxanne en l'honneur d'une femme de Winnipeg, Roxanne Fernando, qui a été battue à mort en février 2007 après avoir refusé de se faire avorter. Le débat sur ce projet de loi pourrait avoir lieu en juin aux Communes.

Mercredi, les députés de l'Assemblée nationale à Québec ont exhorté le premier ministre Stephen Harper à clarifier ses intentions relativement au droit à l'avortement. Quatre jours après les propos controversés du cardinal Marc Ouellet, les députés québécois ont voté à l'unanimité en faveur d'une motion réaffirmant le droit des femmes à l'interruption de grossesse.

La résolution, appuyée par les 109 parlementaires qui siégeaient mercredi, réaffirme aussi que le gouvernement fédéral ne doit pas retirer de subventions aux groupes de femmes pour la simple raison qu'ils soutiennent le droit à l'avortement.

Harper critiqué

M. Harper a aussi été la source de critiques, notamment de la part de groupes de femmes du Québec, à cause de sa décision de ne pas financer l'avortement dans les pays du tiers-monde, à travers une initiative que le G8 met sur pied pour la santé maternelle.

La motion qu'ont adoptée à Québec le Parti libéral, le Parti québécois, l'Action démocratique et Québec solidaire doit être transmise au Sénat canadien et à la Chambre des communes.

- Avec La Presse Canadienne