Le détective privé à l'origine de la tempête politique qui a entraîné le congédiement de l'ancienne ministre Helena Guergis le mois dernier affirme n'avoir soumis aucune preuve de mauvaise conduite à son sujet à l'entourage du premier ministre Stephen Harper.

Mais Derek Snowdy a toutefois soutenu que le mari de M. Guergis, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer, s'est placé dans une position délicate en tentant de brasser des affaires avec un partenaire de Toronto peu recommandable, Nazim Gillani, accusé d'avoir fraudé plusieurs gens d'affaires en Ontario.

Devant un comité parlementaire, M. Snowdy a d'ailleurs qualifié M. Gillani d'escroc et croit qu'il aurait facilement pu utiliser ses liens d'affaires pour se livrer à du chantage auprès de Mme Guergis et de M. Jaffer.

«Je n'ai soumis aucune allégation de mauvaise conduite ou de nature criminelle concernant Mme Guergis», a dit M. Snowdy, qui a fait enquête sur M. Gillani à la demande d'un investisseur que ce dernier avait floué.

M. Jaffer et M. Gillani se sont rencontrés à quelques reprises pour discuter de divers projets d'affaires l'an dernier. Selon un article publié dans le Toronto Star le 8 avril, on aurait consommé de la cocaïne durant certaines de ces rencontres, auxquelles auraient assisté des prostituées de luxe. M. Jaffer, qui a fondé l'entreprise Green Power Generation avec un autre partenaire, Patrick Glémaud, aurait dit qu'il pouvait obtenir des subventions du gouvernement fédéral pour financer des projets à même le nouveau fonds vert. Il aurait fait du lobbyisme auprès de certains ministres sans être enregistré comme le veut la loi.

M. Snowdy a fait part le 9 avril à Arthur Hamilton, l'avocat du Parti conservateur, des fruits de son enquête au sujet de MM. Gillani et Jaffer. M. Hamilton a ensuite transmis ces informations au bureau du premier ministre.

C'est sur la foi de ces «allégations sérieuses» soumises par une «tierce partie» que M. Harper a congédié Mme Guergis de son poste de ministre d'État responsable de la condition féminine et qu'il l'a expulsée du caucus conservateur.

M. Harper a aussi décidé de confier le dossier à la Gendarmerie royale du Canada et au commissaire à l'éthique.

Durant son témoignage, M. Snowdy a affirmé qu'il avait été interrogé par le bureau du commissaire à l'éthique au sujet d'une lettre rédigée par le chef de cabinet de M. Harper, Guy Giorno, dans laquelle il résumait les allégations que M. Snowdy aurait faites au sujet Mme Guergis.

Il a affirmé au bureau du commissaire qu'il n'avait jamais fait les allégations rapportées dans la lettre de M. Giorno. La commissaire à l'éthique, Mary Dawson, a par la suite indiqué qu'elle n'enquêterait pas sur les «allégations sérieuses» que lui avait soumises le bureau du premier ministre.

Dimitri Soudas, le directeur des communications de M. Harper, a réagi au témoignage de M. Snowdy en affirmant que le premier ministre avait pris sa décision sur la foi d'allégations sérieuses.

«Les allégations que nous avons envoyées à la commissaire à l'éthique et à la GRC étaient sérieuses. Nous avons fait ce que nous avions à faire en ce qui concerne Mme Guergis. Nous avons tourné la page. Mme Guergis ne fait plus partie ni du gouvernement ni du caucus conservateur», a dit M. Soudas.

Dans une entrevue accordée à CBC lundi soir, Mme Guergis a affirmé que M. Harper l'avait traitée injustement et qu'elle ignorait toujours la nature des allégations qui l'ont conduit à la démettre de ses fonctions.

Mme Guergis et M. Jaffer doivent témoigner ensemble devant le comité des opérations gouvernementales le 9 juin. Dans le cas de M. Jaffer, il s'agira de son deuxième témoignage; il devra expliquer certaines contradictions relevées depuis sa première comparution, le mois dernier.