Après un mois et demi de recherches, le gouvernement Harper a nommé la semaine dernière la firme PricewaterhouseCoopers (PWC) pour mener une vérification des dépenses dans le cadre du contrat de gestion d'immeubles fédéraux de plusieurs milliards de dollars accordé en 2004 à Profac, filiale de SNC Lavalin.

La ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, avait annoncé cette vérification par une tierce partie le 11 mars dernier, au lendemain d'un reportage de La Presse au sujet de factures en apparence préoccupantes pour l'entretien et les rénovations de l'édifice gouvernemental Portage III, à Gatineau. Obtenues en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, ces factures montraient entre autres qu'Ottawa avait payé 5000$ pour faire installer 6 lumières encastrées dans un plafond, et 1000$ pour poser une sonnette.

 

La ministre Ambrose n'avait pas mâché ses mots pour les dénoncer. «Ces dépenses en particulier sont un affront aux contribuables, avait lancé la ministre à la Chambre des communes. Même si ce contrat est attribué et géré par la fonction publique, après un appel d'offres, je pense qu'elles doivent faire l'objet d'un examen.»

SNC Lavalin avait réagi en attribuant certains de ces coûts aux contraintes légales en vigueur, notamment celles relatives aux heures supplémentaires pour les électriciens. Le PDG du géant québécois de l'ingénierie, Pierre Duhaime, avait aussi affirmé dans une lettre ouverte que La Presse avait omis d'indiquer des détails importants quant aux travaux réalisés.

Allégations de copinage

Le contrat de vérification de 155 000$ a été accordé le lundi 26 avril à PricewaterhouseCoopers. Le mandat sera exécuté en deux temps: la firme devra d'abord se pencher sur certaines dépenses prédéterminées et conclure, dans un rapport à remettre en juillet, si elles étaient raisonnables. Elle devra ensuite mener un examen plus approfondi de l'ensemble des dépenses du contrat, afin de voir si elles sont justifiables et si des problèmes systémiques sont présents.

SNC s'est dite prête à répondre aux demandes de renseignements du gouvernement. «Ayant fait l'objet de près de 500 audits internes et externes annuellement, nous sommes confiants que les résultats de cette vérification vont répondre à toutes les préoccupations qui ont pu être soulevées», a déclaré la porte-parole de l'entreprise, Leslie Quinton.

L'attribution de ce contrat est survenu le jour même où un comité de la Chambre des communes a amorcé son étude du dossier Profac, à l'initiative du député du Bloc québécois Richard Nadeau.

Un premier témoin, l'ingénieur de la région de Gatineau André Beaulieu, est venu dénoncer le manque de transparence qui, selon lui, caractérise l'attribution de contrats par SNC dans le cadre de son mandat de gestion des immeubles fédéraux.

«Je n'ai qu'à faire du copinage, être ami et aller régulièrement dans des partys ou de bons restaurants avec les chargés de projets de SNC-Lavalin et je pourrai avoir davantage de contrats», a dénoncé l'expert-conseil de la firme Consultants en Bâtiments CABA inc.

M. Beaulieu, qui reçoit des contrats de SNC Lavalin et qui travaille auprès du gouvernement fédéral depuis plusieurs dizaines d'années, a déploré «l'obscurité totale» dans laquelle la société de gestion travaille et le fait que certains contrats soient accordés sans aucun appel d'offres, alors que d'autres le sont seulement sur invitation de soumission.

«On ne connaît pas le processus de soumission. On ne sait pas pour quelle raison on ne nous a pas invités à soumissionner», a-t-il dit.

La porte-parole de SNC Lavalin, Leslie Quinton, a réagi par courriel en rappelant le processus d'attribution de contrats que suit Profac, aujourd'hui appelée SNC-Lavalin O&M. Les entrepreneurs font d'abord l'objet d'une préqualification, a-t-elle expliqué, ce qui a permis à la société d'établir une liste de 6000 fournisseurs accrédités.

Ensuite, la manière dont le contrat est accordé dépend de sa valeur, a précisé la porte-parole. «Pour les travaux de moindre envergure (d'une valeur de moins de 15 000$ pour les consultants et de moins de 5000$ pour les autres types de services), nous choisissons à tour de rôle dans la liste de nos fournisseurs accrédités.»

«Pour les travaux de 15 000 à 200 000$, nous demandons des soumissions aux fournisseurs accrédités qui sont en mesure de réaliser un travail de la taille et de l'envergure demandées, toujours sous forme de rotation à même la liste de nos fournisseurs accrédités.»

«Quant aux travaux de plus de 200 000$, nous lançons des appels d'offres publics par l'entremise de MERX.»

Des représentants de SNC Lavalin et du ministère des Travaux publics doivent témoigner devant le comité des opérations gouvernementales d'ici quelques semaines.