Le voyage de dix jours de Michaëlle Jean en Afrique, qui s'est terminé samedi, risque d'être accompagné d'une facture relativement salée pour les contribuables canadiens.

Malgré cela, Mme Jean et les membres de sa délégation demeuraient persuadés de l'importance de ce périple sur le continent africain, son troisième en quatre ans à titre de gouverneure générale du Canada.

C'est notamment le cas de Lucien Bradet, président du Conseil canadien pour l'Afrique, qui souhaite ouvertement que le Canada profite des occasions de contrats d'infrastructure dans l'ensemble du continent africain.

Pendant leur séjour, M. Bradet et Mme Jean ont maintes fois entendu le message à l'effet que l'Afrique souhaite un rôle accru du Canada dans l'essor du continent.

Cependant, le Canada a diminué son soutien à l'Afrique et ne compte que six délégués commerciaux pour l'ensemble des 47 pays de l'Afrique subsaharienne. Par ailleurs, on retrouve 33 ambassades africaines à Ottawa, comparativement à 14 ambassades canadiennes en Afrique.

Selon M. Bradet, les diplomates africains en sont venus à se demander pourquoi ils sont à Ottawa.

«Nous vous aimons, mais nous ne vous voyons pas. Vous n'êtes pas présent. Où êtes-vous?, me disent-ils», a raconté M. Bradet.

Mme Jean a reconnu avoir entendu un message analogue pendant son voyage.

«Les gens disent qu'ils aimeraient voir le Canada jouer un rôle plus important», a déclaré la gouverneure générale.

Au Rwanda, le gouvernement a apprécié les excuses de Mme Jean en lien avec le génocide de 1994. Mais au passage, il a exprimé sa frustration face à l'absence des entreprises canadiennes au moment où son économie progresse.

Cette frustration, M. Bradet dit la ressentir également.

Tout le monde est au courant des problèmes que vit le continent, mais personne ne parle de son essor. Ainsi, les gens sont conscients du génocide au Rwanda, mais pas de sa stabilité actuelle, de l'émergence de son secteur de technologie de pointe et des taux de croissance de 6, 11 et 5,5 pour cent de son économie au cours des trois dernières années.

M. Bradet a par ailleurs fait remarquer qu'il existait environ cinq zones conflictuelles parmi 53 pays du continent, soit deux fois moins qu'il y a dix ans. La plupart des pays africains ont atteint l'équilibre budgétaire, une situation perçue comme impensable il y une décennie.

L'Afrique a réalisé d'importants gains en matière de croissance économique au cours de la dernière année. Elle compte sur d'innombrables richesses minérales et offrira des contrats d'infrastructure, au cours de la prochaine décennie, évalués à 1 million de millions $.

Malgré de telles perspectives, M. Bradet craint que le Canada ne réagisse pas assez rapidement et se fasse damer le pion par d'autres nations, notamment la Chine et la France.

«C'est dommage que l'Afrique soit perçue, sur la Colline parlementaire, comme un récipient à argent, et rien de plus», déplore M. Bradet.

«Nous avons des choses à offrir. Pourquoi laissons-nous la place aux autres - les Chinois, les Français?», questionne-t-il.

Il était impossible de ne pas voir le rôle que joue la Chine en Afrique pendant la visite de Mme Jean. À sa descente de l'aéroport de Kinshasa, sa délégation a emprunté une route prolongée par des travailleurs chinois. Le lendemain, au Congo, alors qu'elle discourait sur les droits des femmes, d'autres Chinois s'affairaient à bâtir un monument national.

En 2008 seulement, la Chine a envoyé 13 délégations majeures en Afrique. Le Canada n'a effectué que quatre voyages en Afrique depuis l'entrée en scène de Stephen Harper, en 2006, dont trois par Mme Jean.