Une autre tuile s'est abattue hier sur l'ancien député conservateur Rahim Jaffer après que le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, eut révélé que son ancien collègue avait fait «des argumentations» au nom d'une entreprise auprès de l'un de ses adjoints travaillant à son bureau de Calgary, en avril 2009.

M. Prentice a lancé cette torpille hier à la Chambre des communes, donnant ainsi un nouveau rebondissement à l'affaire Rahim Jaffer, qui accapare l'actualité politique dans la capitale fédérale depuis quelques jours.

Le ministre a dit avoir été informé mardi soir qu'un proche collaborateur de son bureau de circonscription, Scott Winger, avait été abordé par M. Jaffer l'an dernier. Les deux hommes auraient alors discuté des projets que voulait faire mousser M. Jaffer au nom d'une entreprise ontarienne, Wright Tech Systems.

M. Prentice a indiqué avoir demandé à M. Winger de transmettre tous les détails de cette rencontre avec M. Jaffer ainsi que tous les documents pertinents à la commissaire au lobbyisme, Karen Shepherd, ce qui a été fait jeudi. Les mêmes documents ont aussi été remis à la commissaire à l'éthique, Mary Dawson, hier, à la demande du ministre.

«Aucun contrat n'a été accordé à l'entreprise. Je n'étais pas partie prenante à ces discussions. Je ne savais même pas qu'elles avaient eu lieu. Comme je l'ai dit publiquement, les seuls échanges que j'ai eus avec M. Jaffer au cours de la dernière année et demie ont duré 30 secondes dans cet édifice au début de 2009 quand je lui ai dit que je n'étais pas responsable de la gestion du soi-disant Fonds vert», a affirmé M. Prentice aux Communes.

Contradictions

Ces propos semblent contredire une partie du témoignage que M. Jaffer a rendu, mercredi, devant un comité parlementaire. L'ex-député conservateur a alors affirmé n'avoir jamais fait du lobbyisme auprès de ses anciens collègues pour sa nouvelle entreprise, Green Power Generation, ou toute autre société. M. Jaffer ne s'est jamais inscrit au registre des lobbyistes, comme le veut la loi. M. Jaffer a fondé cette entreprise en 2009 avec son partenaire d'affaires Patrick Glémaud, ancien candidat conservateur malheureux dans Ottawa-Vanier aux élections de 2008.

Mais le quotidien The Globe and Mail a rapporté cette semaine que Green Power Generation avait soumis trois projets environnementaux totalisant 850 millions de dollars au gouvernement Harper l'an dernier. Dans les trois cas, Green Power Generation agissait au nom d'une autre entreprise pour obtenir des subventions dans le cadre du Fonds vert d'un milliard de dollars mis sur pied par Ottawa et géré par le ministre des Transports, John Baird.

Autre rebondissement dans cette affaire hier: Jim Wright, président de l'entreprise pour laquelle M. Jaffer aurait fait des «argumentations», Wright Tech Systems, a affirmé qu'il n'avait jamais embauché l'ancien député conservateur pour faire du lobbyisme auprès du gouvernement afin d'obtenir des subventions.

Dans une déclaration envoyée à la CBC, hier, M. Wright a affirmé n'avoir jamais fait de transactions financières avec M. Jaffer ou encore avec le controversé homme d'affaires torontois Nazim Gillani, avec qui M. Jaffer a pensé s'associer l'an dernier.

M. Gillani, qui doit répondre à des accusations de fraude, comparaîtra aussi devant un comité parlementaire la semaine prochaine.

Le Parti libéral a réagi aux révélations du ministre Prentice en affirmant que d'autres ministres du gouvernement Harper ont probablement aussi rencontré M. Jaffer.

Le NPD a pour sa part salué la décision du ministre Prentice de jouer cartes sur table, mais il s'est demandé pourquoi il a attendu près de 12 mois pour le faire. Le député néo-démocrate Pat Martin a aussi affirmé que M. Jaffer doit être tenu responsable des contradictions de son témoignage de cette semaine.

«C'est une insulte à l'égard de ses anciens collègues et une insulte à l'égard du Parlement de penser qu'il peut venir ici dire des faussetés et penser qu'il peut s'en tirer», a dit M. Martin.