La gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, a pris la défense, jeudi, de la liberté de presse au Rwanda alors que cette question délicate fait présentement l'objet d'un débat dans ce pays.

Le gouvernement rwandais a été accusé d'avoir un comportement de plus en plus autocratique en raison de l'arrestation d'un leader de l'opposition survenue cette semaine et du musellement de deux journaux.

En prévision des élections nationales, deux publications très critiques à l'égard du pouvoir ont vu leur permis suspendu, le gouvernement les accusant d'attiser les tensions dans un pays encore vivement marqué par le génocide de 1994.

«La liberté de presse est un droit fondamental», a affirmé Mme Jean. Selon elle, ce droit «pivot» est crucial et permet d'en asseoir d'autres dans n'importe quelle société, comme celui de la liberté d'expression, de la tenue d'élections démocratiques ainsi que le droit d'avoir recours à des audiences publiques justes.

Le Canada et le Rwanda ont tous deux souscrits à ces obligations en adhérant aux Nations unies, à la Francophonie et au Commonwealth, a expliqué la gouverneure générale. «Il en revient aux gouvernements de s'assurer que ces droits sont pleinement respectés», a ajouté Mme Jean.

La gouverneure générale a fait cette déclaration devant un auditoire où se trouvaient notamment 700 étudiants universitaires et la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo.

Elle a également laissé entendre que le génocide pouvait être utilisé comme un prétexte pour limiter les droits au nom de la stabilité. Elle a mis en garde l'audience quant à la tentation de demeurer «captif» de l'histoire.

«Vous devez passer à autre chose. Nous avons tous des squelettes dans notre placard qui continuent à nous hanter, a poursuivi Michaëlle Jean. C'est aussi la responsabilité de la profession d'exorciser les peurs qui nous entourent et de passer à autre chose.»

Le gouvernement rwandais soutient que les propos qui favorisent la division sont inacceptables dans un pays qui lutte pour retrouver son unité.

Le président du pays, Paul Kagamé, a exprimé son exaspération lorsque le sujet de la liberté de presse a resurgi cette semaine en conférence de presse avec Mme Jean devant des journalistes canadiens.

«Pourquoi les gens continuent à en parler?», a-t-il questionné. «Vous parlez de deux journaux. Mais il y a environ 20 radios indépendantes et privées et près de 70 publications (...). Peut-être que ce sont ces deux-là qui ont tort, pas les 67 (journaux), pas les 20 radios privées», a-t-il ajouté.

La ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwabo, a mis fin à la rencontre en soutenant que de tels débats étaient «sains» et que le pays devrait en tenir davantage.