Un député conservateur a présenté aux Communes un projet de loi qui prévoit jusqu'à cinq ans de prison pour quelqu'un qui pousserait, par la menace, une femme à se faire avorter.

Le député Rod Bruinooge a déposé son projet de loi privé cette semaine, parce que, dit-il, «il y a un trou dans nos lois». Il espère qu'il sera débattu dès juin.

Il assure que ceci ne touche en rien la légalité de l'avortement au Canada.

Le projet de loi se lit ainsi: Quiconque contraint ou tente de contraindre une femme enceinte à se procurer un avortement est coupable d'un acte criminel.

Et quand vient le temps de définir le verbe «contraindre», le député fauche assez large. Cela peut se faire en menaçant une femme de blessures physiques ou en la menaçant de lui retirer un soutien financier ou le droit à un logement, ou encore en «l'importunant par des arguments ou par l'expression de sa rancune».

Il affirme que cette loi est nécessaire parce qu'«il y a beaucoup d'histoires de femmes qui ont été intimidées et poussées à subir des avortements dont elles ne voulaient pas». Sans offrir de statistiques ni de sources, il affirme que «jamais personne n'a été poursuivi pour avoir forcé, par la menace, une femme enceinte à se faire avorter».

Le député croit que la composition du Parlement fédéral en ce moment augure bien pour l'adoption de son projet de loi.

«Je représente un groupe parlementaire multipartite pro-vie. Alors il y aura des députés de plusieurs partis qui appuieront ceci», a dit M. Bruinooge en conférence de presse, jeudi.

Il espère également avoir l'appui de députés qui n'affichent pas des convictions contre l'avortement.

Le député Bruinooge n'a pas voulu dire s'il a obtenu l'appui du gouvernement dans sa démarche.  Mais lorsqu'on lui a souligné que les députés conservateurs doivent obtenir la permission du bureau du premier ministre avant de tenir une conférence de presse, il n'a pas contredit la chose.

Le bureau de Stephen Harper, lui, a envoyé un courriel non sollicité à la presse Canadienne où on écrit: «Notre gouvernement conservateur ne présentera pas et n'appuiera aucun projet de loi qui rouvre le débat sur l'avortement.»

Mais rien de tout ça ne rassure l'opposition. «On passe par la porte arrière, encore une fois, pour ouvrir le débat sur l'avortement», a accusé la députée libérale Lise Zarac.

«Tout ce qui se passe en chambre, le premier ministre est au courant», a-t-elle ajouté.

Sa collègue, Anita Neville, croit que M. Harper essaie ainsi de «plaire à sa base» conservatrice sans trop attirer l'attention.

Les mêmes accusations sont lancées par les bloquistes et les néo-démocrates. Mais si le Bloc québécois peut assurer qu'aucun de ses députés ne votera en faveur de ce projet de loi, les libéraux ne peuvent s'engager à ça.

«On va en parler avec nos collègues mais définitivement, nous, le caucus des femmes, on est contre ce projet de loi là», s'est contenté de dire Mme Zarac qui a vu des députés libéraux, il y a quelques semaines à peine, saboter une initiative de leur chef sur le financement de la contraception et de l'avortement dans les pays en voie de développement.