La réforme du système d'accueil des réfugiés présentée mardi par le ministre fédéral de l'Immigration, Jason Kenney, risque de pénaliser certains groupes, dont les femmes et les homosexuels, ont dénoncé des partis de l'opposition et un groupe de défense des droits des réfugiés.

Le projet de loi C-11 vise à faire passer de quatre ans et demi à un an la période au cours de laquelle un demandeur d'asile peut se voir expulser du pays si sa demande est rejetée. On espère ainsi réduire les temps d'attente actuels, qui se situent à environ 19 mois, selon le ministère de l'Immigration.«Le projet de loi répond également au fait que certaines personnes abusent de notre générosité et que bon nombre de demandeurs d'asile qui viennent au pays n'ont pas besoin de notre protection», a affirmé le ministre Kenney lors d'une conférence de presse à Ottawa, mardi.

Pour parvenir à ses fins, Ottawa propose de mettre sur pied ce que certains ont qualifié de «régime à deux vitesses», qui prévoit la création d'une liste de pays dits «sûrs», dont les ressortissants ne profiteront pas d'autant de recours que les ressortissants de pays jugés moins sécuritaires.

C-11 propose aussi deux nouvelles étapes dans l'examen d'une demande: l'audience de première instance, qui est actuellement tenue devant un commissaire indépendant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), serait remplacée par une audience tenue devant un fonctionnaire de la CISR.

La réforme créerait également une section d'appel capable d'entendre une nouvelle preuve, mais seulement pour les demandeurs issus de pays jugés dangereux. Les autres auraient un an après le rejet de leur demande pour demander à la Cour fédérale l'autorisation de porter cette décision en appel.

Le ministre de l'Immigration souhaite limiter à un an le délai au cours duquel il peut expulser un demandeur rejeté en première instance. À l'heure actuelle, ceux dont la demande d'asile est ainsi rejetée disposent d'un éventail de possibilités, dont une demande d'autorisation à la Cour fédérale, une évaluation des risques avant renvoi (ERAR) et une demande pour motif d'ordre humanitaire. Ces deux dernières options seraient toutefois interdites pendant les 12 mois suivant le rejet de la demande en première instance.

«Ce que nous faisons ici, c'est de remplacer ces appels de facto qui ne marchent pas, qui prennent des mois et des mois, avec une section d'appel aux processus très robustes», a précisé le ministre Kenney.

«Inéquitable»

Le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR), le Bloc québécois et le NPD ont tous critiqué la réforme proposée par le gouvernement Harper. Ils la considèrent comme inéquitable pour les demandeurs d'asile provenant de pays qui seraient étiquetés comme «sûrs» par le ministre de l'Immigration. Aux premières loges des victimes d'une telle approche, ont-ils mis en garde, seront les homosexuels et les femmes.

«Dans de nombreux pays qui semblent par ailleurs relativement pacifiques et «sûrs», des problèmes sérieux de persécution peuvent exister pour ces motifs. Pourtant, ces demandeurs n'auront pas accès à l'appel disponible aux autres demandeurs», a écrit le CCR dans un communiqué de presse diffusé après l'annonce.

Les autres critiques déplorent aussi que les audiences de première instance ne se tiendraient plus devant un commissaire indépendant; que le ministre nuise aux demandeurs d'asile en décrivant certains d'entre eux comme des profiteurs; et que le délai de deux mois imposé pour tenir l'audience de première instance est trop court puisque certains réfugiés sont encore traumatisés par leurs expériences passées.