Le gouvernement fédéral risque de tomber dans une spirale d'endettement dont il pourra difficilement se sortir s'il n'adopte pas des mesures d'austérité pour tenir compte du vieillissement de la population.

Ces mesures sont simples : il faut augmenter les taxes et les impôts ou réduire les dépenses de manière sensible, ou encore adopter une combinaison de ces deux mesures, estime le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, dans un rapport rendu public hier.

C'est la première fois que l'on tente de jauger l'impact des changements démographiques sur les finances du Canada. Et le portrait que dresse M. Page sur une période de 75 ans est plutôt sombre. Selon certains analystes, c'est un véritable cri d'alarme qu'on ne peut passer sous silence.

En gros, une proportion croissante de Canadiens arrivera à l'âge de la retraite en même temps que l'assiette fiscale de l'État diminuera en raison du nombre décroissant de travailleurs, et ce, au moment où les programmes sociaux comme la santé et les prestations aux aînés coûteront plus cher justement pour répondre aux besoins d'une population vieillissante.

À l'heure actuelle, on compte cinq travailleurs pour chaque Canadien à la retraite. Ce ratio tombera à 2,5 travailleurs pour chaque retraité à partir de 2030, à la suite du départ massif des baby-boomers à la retraite.

«Au Canada, une transition démographique majeure est en cours, ce qui entraînera des tensions au niveau des finances du gouvernement. (...) L'actuelle structure financière du gouvernement n'est pas viable à long terme», affirme M. Page dans son rapport d'une cinquantaine de pages.

Si rien n'est fait, la dette du gouvernement fédéral passera de 33,8% du PIB en 2013-2014 à 100% en 2050-2051. Elle pourrait friser les 365 % en 2084-2085, selon les calculs de M. Page.

Pour maintenir l'actuel ratio de la dette, il faudrait adopter des mesures budgétaires équivalant à 1% ou 2% du PIB (entre 20 et 40 milliards de dollars), selon le moment choisi pour s'attaquer à ce problème.

«Des mesures trop hâtives peuvent menacer la relance. Mais des mesures trop tardives nécessiteront des adaptations plus vigoureuses. Si nous attendons 10 ans avant d'agir, les coûts vont augmenter de manière exponentielle», affirme M. Page.

Selon plusieurs, Ottawa a trop réduit son assiette fiscale - donc les impôts que paient les particuliers et les entreprises - et trop augmenté ses dépenses - en moyenne de 6% par année - au cours de la dernière décennie pour à la fois éliminer le déficit (56 milliards en 2009-2010) et affronter le défi du vieillissement de la population.

Horizon 2015

Le gouvernement Harper a promis d'éliminer le déficit d'ici à 2015 sans augmenter les impôts et sans réduire les transferts aux provinces. Les libéraux ont fait la même promesse dans l'éventualité où ils formeraient le prochain gouvernement.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a réagi à l'étude de M. Page hier en disant que le gouvernement Harper préfère s'attaquer aux défis actuels - lutte contre le chômage, création d'emplois et retour à l'équilibre budgétaire - plutôt que de se livrer à de telles projections.

«Faire des projections et des calculs sur 75 ans peut être un travail théorique intéressant, mais les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement s'occupe de la reprise économique, qui demeure fragile», a dit Chisolm Pothier, porte-parole du ministre.

Le député libéral John McCallum a soutenu que le rapport de M. Page est une autre preuve que les conservateurs gouvernent le pays en se souciant peu des défis à long terme.

Pour Daniel Paillé, du Bloc québécois, le rapport de M. Page est un «véritable cri d'alarme» qu'il faut prendre au sérieux.