Le diplomate Richard Colvin affirme être l'objet de représailles de la part du gouvernement conservateur en raison du rôle qu'il a joué dans la controverse des détenus afghans.

L'avocat torontois de M. Colvin, Owen Rees, a formulé l'accusation dans une lettre envoyée lundi à la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.

Selon M. Rees, Ottawa a pratiquement cessé d'assumer les frais juridiques de son client depuis novembre, moment où ce dernier a soutenu devant un comité de la Chambre des communes que plusieurs hauts fonctionnaires du gouvernement savaient que les prisonniers remis aux autorités afghanes par les militaires canadiens risquaient d'être torturés.

Le diplomate estime que ce refus du gouvernement de l'indemniser, jumelé aux attaques publiques à son endroit, est une façon de lui faire payer son témoignage devant le comité spécial des Communes sur la mission canadienne en Afghanistan.

Cette déclaration de Richard Colvin survient près d'un mois après que le premier ministre Stephen Harper eut annoncé sa décision de proroger le Parlement jusqu'en mars. Les partis de l'opposition l'ont accusé de vouloir ainsi étouffer l'affaire des détenus afghans.

Katherine Heath-Eves, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a fait savoir que la dernière demande de financement de M. Colvin était présentement à l'étude.

Mme Heath-Eves a indiqué que le ministère avait déboursé plus de 21 000 $ pour le premier avocat du diplomate et qu'il réfléchissait actuellement à la possibilité de payer la somme additionnelle réclamée dans une nouvelle facture.

«Le ministère étudie la facture et prendra une décision concernant le paiement dans un futur proche», a-t-elle révélé dans un courriel.

De leur côté, les libéraux et les néo-démocrates ont dénoncé la gestion du dossier de Richard Colvin par le gouvernement.

«Le refus de payer les frais de représentation de M. Colvin est une décision arbitraire et répugnante comme celle de fermer le Parlement», a soutenu le député libéral Ujjal Dosanjh.

D'après M. Dosanjh, cette situation aura pour résultat d'empêcher le diplomate de témoigner devant la Commission et de compromettre les travaux de cette dernière.

Paul Dewar, député du Nouveau parti démocratique (NPD), est aussi d'avis qu'il s'agit d'une nouvelle tentative du gouvernement pour faire avorter l'enquête sur les détenus afghans.

«Les conservateurs s'en prennent à M. Colvin simplement parce qu'il a fait son travail. Ils essaient d'enterrer le dossier mais toutes ces actions ne font que donner davantage l'impression que le gouvernement souhaite étouffer l'affaire.»

En tant que fonctionnaire fédéral sommé de témoigner sur ses fonctions en Afghanistan, Richard Colvin a le droit d'être représenté par un avocat. Le gouvernement a accepté de lui fournir un certain montant pour des conseils juridiques indépendants après que son premier avocat eut déclaré des mois avant l'audience que le ministère de la Justice ne pouvait pas représenter les deux partis au risque de se trouver en conflit d'intérêt. Mais le gouvernement conservateur n'a pas consenti à débourser davantage même si la Commission poursuit son investigation.

Le témoignage de M. Colvin lui a attiré les foudres du ministre de la Défense, Peter Mackay, et d'anciens généraux qui ont publiquement remis en question sa crédibilité.

Ces attaques ont incité le diplomate à soumettre une lettre de 16 pages à la Commission en décembre afin de se défendre et de contester la version des faits de ses détracteurs.

Le 27 novembre, soit une semaine après son passage devant la Commission, Richard Colvin a demandé au gouvernement une somme additionnelle pour ses frais juridiques. Il n'a toujours pas reçu de réponse.

Selon M. Rees, son client pourra difficilement continuer à témoigner dans ce dossier s'il n'a pas accès à un avocat.