Ottawa placera 44 scanners corporels dans les aéroports du Canada, dont 12 dès la semaine prochaine, a annoncé hier le ministre des Transports, John Baird.

Ces appareils, qui permettent de voir à travers les vêtements et qui ont été associés à des fouilles à nu virtuelles par leurs détracteurs, coûteront près 250 000$ chacun au gouvernement fédéral, pour un total d'environ 11 millions.

 

Les aéroports qui recevront les premiers scanners n'ont pas été identifiés, hier. L'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) vise toutefois en priorité les huit aéroports internationaux du pays, dits de classe 1: Montréal, Toronto, Ottawa, Vancouver, Halifax, Winnipeg, Calgary et Edmonton. Une attention particulière sera placée sur ceux de Toronto et de Vancouver.

Le ministère des Transports a toutefois indiqué que, pour l'instant, ces fouilles ne s'appliqueraient qu'aux personnes qui s'envolent vers les États-Unis. De même, comme au Royaume-Uni, les moins de 18 ans en seront exemptés, afin de ne pas contrevenir à certaines règles contre la pornographie juvénile.

Pas toujours volontaire

Par ailleurs, contrairement à ce qui avait été convenu entre la Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, et l'ACSTA après un projet pilote mené il y a quelques mois, ces fouilles ne seront pas totalement volontaires.

«C'est volontaire, à moins que vous ne représentiez une menace présumée», a déclaré Rob Merrifield, ministre d'État aux Transports.

Dans l'ensemble, néanmoins, le commissariat à la vie privée s'est dit satisfait du contenu de l'annonce, jugeant que toutes ses exigences avaient été respectées. «Notre compréhension des choses en ce moment, c'est que ça reste volontaire, sauf dans des cas tout à fait exceptionnels... C'est une question sur laquelle on va se pencher», a réagi la commissaire adjointe, Chantal Bernier.

Les autres conditions prévoyaient que les scanners demeurent un outil de fouille complémentaire, c'est-à-dire utilisé seulement après ceux plus conventionnels, comme les détecteurs de métaux. Tel que convenu, les agents de fouille devront aussi mettre en place des mesures pour préserver la vie privée des passagers, dont un centre de visionnement des scans d'où ils ne pourront ni voir ni identifier la personne scannée. Enfin, le ministre Baird a garanti que les images ne seraient pas conservées, afin d'éliminer les risques qu'elles ne se retrouvent un jour sur des sites comme YouTube.

L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui suit le dossier depuis le début, a été beaucoup plus sévère que le commissariat. «Nous n'avons aucune preuve que nous allons en avoir pour notre argent en matière de sécurité», a dénoncé Micheal Vonn, directrice des politiques pour l'organisme.

«Et tous les garde-fous qui visent généralement à nous assurer que nous prenons des décisions indépendantes ont été jetés par la fenêtre dans cette panique générée artificiellement», a-t-elle poursuivi. Mme Vonn espère que la vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, se penchera sur le dossier.

Pas de danger... ni d'appel d'offres

Le gouvernement a passé la commande pour ses 44 appareils à L3 Communications. Le contrat a été passé sans appel d'offres, ont confirmé les ministres hier. Ils ont expliqué qu'au moment du projet pilote, mené à Kelowna en 2008, L3 était la seule compagnie qui fournissait la technologie qu'Ottawa avait dans sa ligne de mire: celle à ondes millimétriques.

Cette technologie permet, en projetant ces ondes sur le corps d'une personne postée dans un portique qui ressemble à une cabine d'ascenseur, de reconstituer les formes de son corps - nu - sur un écran. Les agents peuvent alors voir si des objets sont dissimulés sous ses vêtements.

Selon le ministère des Transports, l'énergie émise par l'appareil est sans danger: «Elle ne représente que 1/10 000e de celle provenant d'un téléphone cellulaire», a-t-on affirmé.

 

D'AUTRES APPAREILS

Le gouvernement fédéral n'a toujours pas affiché ses couleurs face à la décision récente deWashington d'établir une liste de 14 pays dont il ciblera davantage les ressortissants aux points de contrôle des aéroports une mesure décrite comme étant une forme de profilage. En plus du déploiement de scanners corporels, cependant, Ottawa a annoncé hier qu'il lancera bientôt un appel d'offres afin de faire l'acquisition d'autres appareils, ceux-là capables d'observer les voyageurs et de déceler des comportements suspects.