Pas question de laisser de côté les valeurs canadiennes en entrant en Chine, a dit le premier ministre Stephen Harper à son arrivée à Pékin, hier.

M. Harper se défendait d'avoir vivement critiqué, par le passé, le bilan des dirigeants chinois en matière de droits de la personne. Alors qu'il se rend pour la première fois en Chine depuis son accession au pouvoir, il y a bientôt quatre ans, sa position ne semble pas avoir changé.«Les valeurs canadiennes font partie de ce que nous sommes. C'est ce qui est à la base de cette société prospère, plurielle et pacifique que nous aimons. Ça fait partie de notre identité», a souligné M. Harper, quelques heures après avoir atterri au coeur de l'empire du Milieu.

«Nous ne les laissons pas derrière en passant la porte», a-t-il ajouté.

En 2006, M. Harper avait causé un froid diplomatique en affirmant qu'il ne braderait pas sa position ferme sur les droits de l'homme au profit de lucratifs échanges économiques avec le géant asiatique.

Pour les dirigeants chinois, la visite du premier ministre canadien est une occasion de rebâtir sur de nouvelles bases une relation écorchée dans les dernières années.

L'un des plus importants quotidiens de langue anglaise du pays, le China Daily, écrivait hier que les relations entre les deux pays avaient «stagné», après qu'Ottawa eut «critiqué agressivement Pékin pour son bilan en matière de droits de la personne et sur des allégations d'espionnage».

«M. Harper n'était pas au nombre des dirigeants du monde entier qui se sont rendus aux Jeux olympiques de Pékin en 2008, et il a froissé la Chine en recevant à bras ouverts le dalaï-lama», écrit le quotidien.

Aujourd'hui, M. Harper prétend que la relation qu'il a avec le président Hu Jintao, qu'il a rencontré à plusieurs reprises lors d'événements internationaux, est «bonne et franche».

«Il y a des divergences parfois, mais il y a des choses en commun, surtout sur la situation économique», explique-t-il.

Loin des traditionnels clichés chinois, c'est entre les chic boutiques de luxe et les grands hôtels modernes du district de Chaoyang, qui comprend le quartier des affaires et celui des ambassades, dans le nord-est de la ville, que Stephen Harper a fait ses premières déclarations en sol chinois.

Mais plutôt que de parler de la croissance économique fulgurante du géant chinois, c'est de l'économie canadienne dont il a été question.

Rapport d'étape économique

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a présenté hier le quatrième rapport sur l'état d'avancement du plan d'action économique, adopté en janvier dernier. Le premier ministre a voulu commenter le document en primeur, même à 10 000 km d'Ottawa.

«Notre priorité numéro un reste notre économie. Je regrette que ce ne soit pas possible pour moi d'annoncer ce quatrième rapport au Canada à cause de mes voyages, mais je ne voulais pas manquer l'occasion de commenter cette affaire avant mes réunions de demain», s'est justifié M. Harper, rappelant que c'est l'opposition qui a réclamé qu'un rapport d'étape soit présenté en décembre.

Sans surprise, le gouvernement estime dans son quatrième rapport que 97% des quelque 28 milliards de fonds prévus pour la première année du plan d'action sont «engagés», c'est-à-dire que les champs d'investissements ont été identifiés et approuvés. Quelque 12 000 projets sont engagés, soutient Ottawa, et 8000 ont débuté.

Puisque le plan d'action doit se terminer à la fin de l'année financière 2010-2011, le gouvernement fédéral met en garde les provinces, territoires et municipalités que les sommes prévues au Fonds de stimulation de l'infrastructure non engagées au 29 janvier 2010 seront «réaffectées à d'autres initiatives», ou resteront inutilisées. Sur les quatre milliards sur deux ans prévus, il resterait 400 millions de dollars à «engager» dans des projets, surtout en Ontario et au Québec.

«Il est trop tôt pour baisser la garde et apporter à notre orientation économique tout changement radical», a toutefois souligné le premier ministre, se voulant rassurant.

Outre les dépenses en infrastructures, Ottawa a rappelé les mesures prises pour réduire le fardeau fiscal des Canadiens et venir en aide aux chômeurs, en bonifiant notamment les prestations d'assurance emploi.

Après cette parenthèse sur l'économie nationale, M. Harper se lance aujourd'hui dans le coeur de sa mission diplomatique. Premier arrêt: la Grande Muraille de Chine. Puis il rencontrera, dans deux entretiens séparés, le président Hu Jintao et le premier ministre Wen Jiabao, avant de se rendre à une cérémonie officielle de bienvenue.