Le projet de loi qui vise à démanteler la majeure partie du registre des armes à feu est loin d'être adopté. Son étude en comité pourrait bien ne pas avoir lieu avant février, mais déjà, des députés parlent de le torpiller au point de retourner une feuille blanche à la Chambre des communes.

Le projet C-391, de la députée conservatrice Candice Hoeppner, a passé l'importante étape de la deuxième lecture la semaine dernière, grâce à 12 députés néo-démocrates et 8 libéraux provenant de circonscriptions rurales, qui ont joint leur voix à celles des troupes du premier ministre Stephen Harper.

 

Il devra être étudié en comité dans les prochains mois. Mais le scénario promet d'être différent que celui des Communes. En effet, si on exclut le président, la majorité des députés qui siègent au Comité permanent de la sécurité publique et nationale est contre ce projet, à l'instar des chefs des trois partis de l'opposition.

C'est donc dire que ce projet pourrait être fortement amendé. Mais Joe Comartin, porte-parole du NPD dans ce dossier, estime que cette voie risque d'être bloquée par le président du comité, le conservateur Garry Breitkreuz, détracteur notoire du registre. À titre de président, M.Breitkreuz aura la discrétion de déclarer irrecevables les amendements présentés par les membres.

Selon le député néo-démocrate, ses collègues du Bloc, du Parti libéral et du NPD ne pourront faire autrement que de démanteler le projet de loi au moment de son étude article par article, après l'audition des témoins. «On peut le retourner à la Chambre des communes avec rien dedans. On va le déchirer complètement», a-t-il lancé.

Tous les députés du Bloc québécois ont voté contre le projet C-391 et leur chef, Gilles Duceppe, a promis de tout faire pour en empêcher l'adoption. Quant au Parti libéral, un de ses représentants au comité de la sécurité publique, Mark Holland, n'a pas écarté l'option évoquée par M.Comartin. «C'est une possibilité», a convenu M.Holland.

Le député libéral, qui a insisté sur l'importance d'entendre des témoins exprimant le plus de points de vue possible, a aussi évoqué d'autres options que celle avancée par M.Comartin, dont celle d'infirmer la décision du président s'il décidait de bloquer les amendements - bien qu'une telle manoeuvre pourrait être à son tour renversée par le président de la Chambre des communes. Idem pour la possibilité d'annihiler le projet de loi, d'ailleurs: n'importe quel député pourrait par la suite, à la Chambre, demander un vote pour réintégrer au projet les clauses qui ont été retirées.

Complexe? Absolument, opine Mark Holland. «Mais d'un point de vue plus large, on peut dire que l'histoire n'a pas encore été écrite là-dessus et que personne ne sait où cela s'en va. C'est le début d'un très long processus et il y aura plusieurs rebondissements et possibilités en chemin.»

Néanmoins, d'ici à ce que le projet C-391 retourne à la Chambre des communes, vraisemblablement vers la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril, Joe Comartin espère que les pressions de certains groupes porteront leurs fruits et convaincront des députés de s'opposer au projet. Plusieurs de ces pressions, dont certaines de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec, ont déjà eu lieu. Elles promettent de se poursuivre: hier encore, le Congrès du travail du Canada a lancé une campagne de cartes postales contre la violence faite aux femmes, qui demande à Stephen Harper de ne pas abandonner le registre. Cette campagne culminera le 6 décembre, jour de la tuerie de Polytechnique.

 

LE PROJET DE LOI C-391

Le projet de loi C-391 modifierait le Code criminel et la Loi sur les armes à feu «pour supprimer l'obligation d'obtenir un certificat d'enregistrement à l'égard des armes à feu qui ne sont ni prohibées ni à autorisation restreinte «, selon le sommaire législatif du Parlement. Cela permettrait aux propriétaires d'armes longues comme des fusils de chasse de ne pas commettre une infraction criminelle lorsqu'ils n'ont pas de certificat d'enregistrement. Ces armes à feu sans restriction, comme elles sont désignées par la GRC chargée d'administrer le registre représentaient 91% des armes à feu enregistrées au Canada en septembre.