Le premier ministre de Terre-Neuve, Danny Williams, part en croisade contre la prise de contrôle des actifs d'Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec, affirmant sans ambages que cela constitue une «menace» pour l'unité nationale.

Dans une virulente sortie, jeudi, M. Williams a soutenu que cet achat sans précédent est financé en bonne partie par les paiements de transfert qu'obtient le Québec du reste du pays.

M. Williams, qui est reconnu pour son franc-parler, a même soutenu que le Québec, grâce à sa société d'État, pourrait dicter le développement économique des provinces atlantiques à long terme.

Hydro-Québec, qui souhaite aussi mettre la main sur les réseaux d'électricité de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, pourrait le faire insidieusement, selon lui, en augmentant les coûts d'électricité des entreprises dans une province comme le Nouveau-Brunswick pour les inciter à emporter leurs pénates au Québec, a dit le premier ministre de Terre-Neuve.

M. Williams a entrepris sa croisade dans les heures qui ont suivi la signature à Fredericton d'une entente entre le premier ministre Jean Charest et son homologue néo-brunswickois, Shawn Graham, permettant à Hydro-Québec de mettre la main sur les actifs d'Énergie Nouveau-Brunswick pour la somme de 4,75 milliards de dollars.

Hydro-Québec se porte acquéreur des sept centrales hydroélectriques d'Énergie Nouveau-Brunswick et de la centrale nucléaire de Point Lepreau, une fois que sa réfection sera terminée, en 2011. La société québécoise achète aussi les infrastructures de distribution et de transport du Nouveau-Brunswick.

«Nous sommes très surpris de voir le gouvernement du Nouveau-Brunswick agir de la sorte. Je ne crois pas que les gens de cette province vont l'appuyer en bout de piste. Notre expérience avec Hydro-Québec n'a jamais été très bonne. (...) Les actifs les plus importants que peut avoir aujourd'hui un gouvernement sont les actifs reliés à l'alimentation d'énergie. Ce sont ces actifs qui vont donner le ton au progrès économique d'une région ou d'une province», a-t-il affirmé à CTV Newsnet.

M. Williams songe même à déposer une plainte contre Hydro-Québec devant le Bureau fédéral de la concurrence.

«Hydro-Québec alimente aussi une partie de l'Ontario en électricité. Mais pendant qu'ils tentent de mettre la main sur les actifs en électricité, le pays donne au Québec 16 milliards de dollars par année en paiements de transfert de toutes sortes parce que le Québec est semble-t-il une province pauvre. C'est dangereux. Nous sommes en train de financer l'achat et la prise de contrôle de nos outils de développement économique des autres provinces», a-t-il encore dit.

Danny Williams dénonce depuis longtemps le contrat de 1969 conclu entre sa province et le Québec au sujet de l'exploitation du potentiel hydroélectrique des chutes Churchill - une entente qui, selon lui, a valu 22 milliards de profits au Québec, mais seulement environ 1 milliard à Terre-Neuve-et-Labrador.

Il accuse aussi sans ménagement Hydro-Québec de tout faire pour saboter les plans de son gouvernement pour développer le projet hydroélectrique du cours inférieur du fleuve Churchill et vendre l'énergie de ce projet aux États-Unis.

Or, Hydro-Québec mise sur cette acquisition et sur la situation géographique avantageuse du Nouveau-Brunswick pour faciliter l'exportation de ses importants surplus d'électricité vers les États-Unis.

Dans une entrevue à CBC News, jeudi soir, M. Williams a carrément traité Jean Charest de menteur après que ce dernier eut affirmé que «la tarte est assez grande pour tout le monde» pour subvenir aux besoins des Américains. «Je ne l'ai pas vu dire cela, mais je présume que son nez allongeait lorsqu'il parlait», a-t-il dit.

- Avec La Presse Canadienne