Après avoir affirmé qu'il voulait défaire le gouvernement de Stephen Harper «à la première occasion», le chef libéral Michael Ignatieff tempère ses ardeurs, assurant qu'il ne cherchera plus à déclencher des élections.

«Nous ne sommes pas pressés de faire tomber ce gouvernement, a-t-il indiqué, mardi. Les Canadiens ont dit unanimement aux quatre partis qu'ils ne voulaient pas d'élections. Il faut respecter ce que pense l'électorat.»«On ne va pas soutenir ces gens-là, parce que nous sommes l'opposition. Mais on n'essaiera pas de créer des occasions de déclencher des élections», a-t-il ajouté.

Or, lors du caucus des députés et sénateurs libéraux, le 1er septembre dernier à Sudbury, le chef de l'opposition officielle avait annoncé que son parti retirait sa confiance au gouvernement conservateur, estimant que les Canadiens «méritaient mieux».

Au cours du débat sur la motion de défiance qu'il avait ensuite déposée, à la fin de septembre, M. Ignatieff avait été cinglant à l'égard du gouvernement, critiquant sa gestion de l'économie et de nombreux autres dossiers, dont les changements climatiques.

Le gouvernement Harper avait alors été sauvé par l'abstention des députés néo-démocrates, qui avaient annoncé vouloir «faire fonctionner le Parlement», au moins jusqu'à ce que des modifications soient apportées au programme d'assurance emploi.

Au début d'octobre, au cours d'un congrès régional à Québec, le chef libéral avait répété qu'il voterait contre le gouvernement à chaque vote de confiance en chambre.

M. Ignatieff a adopté mardi matin un ton beaucoup plus conciliant que celui des dernières semaines, refusant même de dire s'il appuierait une éventuelle motion de défiance déposée par un autre des partis de l'opposition.

«Je n'entre pas dans ces hypothèses. Je suis quelqu'un qui lit un projet de loi avant de voter», s'est-il contenté de dire, en marge d'une visite dans une garderie d'Ottawa. Il y a promis un programme national de garderies, dans ce qui ressemblait en tout point à un événement digne d'une campagne électorale.

Moqueries du Bloc

Cette volte-face du chef libéral sur la survie du gouvernement se produit au moment où le chef du NPD, Jack Layton, montre ses premiers signes d'impatience de l'automne envers le gouvernement. Lundi, M. Layton a déploré le peu de progrès des conservateurs dans le dossier des changements climatiques. Le NPD n'écarterait maintenant plus l'idée de déposer une motion de censure contre le gouvernement.

Les plus récents sondages montrent que les libéraux peinent à combler l'écart qui les sépare des conservateurs de Stephen Harper, en tête dans les intentions de vote.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, n'a pas manqué de se moquer de ce revirement, rappelant qu'il avait lui-même prédit, l'hiver dernier, que M. Ignatieff plaiderait à répétition que les Canadiens ne veulent pas d'élections. «Noël s'en vient, il va nous dire que les Canadiens ne veulent pas d'élections, a estimé M. Duceppe. Et en janvier, il va dire qu'il y a les Olympiques à Vancouver. Que les Canadiens veulent des élections autant qu'une balle dans la tête. À force d'avoir des trous dans la tête, on n'agit plus.»

Le chef néo-démocrate, Jack Layton, a refusé de commenter les déclarations de M. Ignatieff, sommant plutôt ce dernier de l'appuyer, aujourd'hui, dans un important vote sur le projet de loi C-311, sur la responsabilité en matière de changements climatiques.

Le critique libéral en environnement, David McGuinty, a toutefois annoncé que le Parti libéral se rangerait derrière le gouvernement pour ce vote, privant, selon le NPD, la Chambre des communes de la possibilité de se doter d'un cadre contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la Conférence internationale de Copenhague, en décembre.