Un différend qui oppose le ministre de la Justice et les sénateurs libéraux au sujet d'un projet de loi sera vraisemblablement résolu par les députés libéraux de la Chambre des communes... en faveur du ministre.

Hier, le comité sénatorial des affaires juridiques a amendé le projet de loi C-25, qui porte sur le calcul de la peine lorsqu'une personne a été détenue de manière provisoire.

 

À l'heure actuelle, le temps passé derrière les barreaux en détention préventive compte généralement pour le double au moment de calculer la peine. Le projet de loi du gouvernement vise à limiter cette pratique, afin que le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence ne compte que pour du temps simple.

Le projet prévoit toutefois une exception, «si les circonstances le justifient», selon laquelle le juge pourrait accepter que le temps de détention provisoire compte pour 1,5.

Hier, les libéraux sont toutefois parvenus à faire adopter trois amendements, dont un qui prévoit que le temps de détention provisoire soit crédité à un ratio de 1,5, avec un ratio de deux pour un dans certaines circonstances exceptionnelles.

«Ils ont vidé notre législation de sa substance», a dénoncé immédiatement après le ministre de la Justice, Rob Nicholson, qui demande publiquement depuis une semaine aux sénateurs libéraux de ne pas amender son projet de loi.

«Les libéraux à la Chambre des communes l'ont appuyée, nous l'emmenons au Sénat, et les sénateurs libéraux redonnent aux juges la discrétion d'accorder du deux pour un, ce qui est exactement ce que nous ne voulons pas, et exactement ce que les procureurs généraux des provinces ne veulent pas.»

Or, heureusement pour le ministre, le critique libéral des dossiers de justice à la Chambre des communes, Dominic LeBlanc, a déclaré, peu avant que les amendements soient adoptés, qu'il recommanderait à son chef, Michael Ignatieff, que les députés de son parti ne les appuient pas lorsque le projet de loi retournera à la Chambre des communes et qu'ils votent pour le ramener à sa forme originale - forme sous laquelle le projet de loi a d'ailleurs reçu l'appui de toutes les formations politiques.

Il n'en fallait pas plus pour que les faiseurs d'images conservateurs propagent la nouvelle en suggérant que le chef libéral Michael Ignatieff a perdu le contrôle de ses troupes. Les faiseurs d'images libéraux, à leur tour, ont démenti l'information, ressortant pour preuve une série de cas montrant qu'une telle pratique n'est pas en soi exceptionnelle.

De son côté, le sénateur libéral qui a proposé cet amendement, Serge Joyal, a indiqué que ce serait une erreur pour les députés de son parti de rejeter les nouveaux amendements sans une étude plus approfondie du projet de loi. «Ça m'apparaît être l'attitude la plus intelligente à adopter, surtout pour un projet de loi qui met le monde en prison», a-t-il tranché.

M. Joyal et ses collègues libéraux ont dit avoir fait cet amendement en raison de témoignages sur la surpopulation dans les prisons et en se basant sur la jurisprudence de la Cour d'appel du Québec et de la Cour suprême du Canada, qui justifient la pratique du deux pour un par les conditions de détention provisoire jugées plus sévères que la détention normale.