Persuadé qu'il a été évincé au profit d'un candidat vedette dont le nom sera dévoilé à la dernière minute, un des aspirants à la candidature libérale dans la circonscription d'Outremont sort du rang. Vedette ou pas, Comlan Amouzou réclame une investiture en bonne et due forme, comme l'avait promis Denis Coderre en mars.

Déjà armé d'affiches avec sa photo, de dépliants soignés et d'une carte de visite rouge ornée du logo libéral sur laquelle il se présente comme candidat à l'investiture, M. Amouzou à lancé un appel à l'ordre à son parti hier, lors d'un petit événement auquel le PLC-Q avait délégué un observateur.

 

M. Amouzou jure avoir obtenu cet été du directeur général du PLC-Q, Louis-Philippe Angers, l'autorisation de lancer sa campagne d'investiture. Il a payé de sa poche les affiches et le matériel promotionnel qu'il a fait préparer. «Dès que j'ai eu le feu vert, je me suis mis à travailler sur le terrain; j'ai cogné aux portes en vantant mon chef, Michael Ignatieff», affirme l'aspirant candidat, qui a été organisateur en chef du comédien Sébastien Dhavernas (défait par Thomas Mulcair) aux dernières élections.

Mais voilà que, au début du mois de septembre, citant une source anonyme, Le Devoir a révélé que la circonscription d'Outremont était réservée à un candidat-vedette que le parti confirmera à la dernière minute. Les circonscriptions de Jeanne-Le Ber et d'Ahuntsic auraient aussi été réservées à des candidats de prestige.

«Quand j'ai appris que la circonscription d'Outremont était réservée à un candidat-vedette, j'ai immédiatement demandé à M. Angers (le directeur général du PLC-Q) si c'était bien vrai, soutient M. Amouzou, qui est d'origine togolaise. Il m'a dit qu'il n'en savait rien et que, pour le savoir, je devais entrer en contact avec Denis Coderre. Or, le problème, c'est que M. Coderre est constamment trop occupé pour me rencontrer», se désole M. Amouzou.

En conseil général, en mars, le PLC-Q avait pourtant indiqué qu'il souhaitait rompre avec la tradition en forçant la tenue d'assemblées d'investiture dans chacune des 75 circonscriptions québécoises, y compris celles où des députés libéraux sont déjà élus. En conférence de presse, le lieutenant politique de Michael Ignatieff, Denis Coderre, avait même dit qu'il pourrait lui-même devoir se soumettre au processus de désignation des candidats si quelqu'un d'autre désirait se présenter. «Mais, cela dit, le chef conserve sa prérogative de nommer un candidat dans telle ou telle circonscription» «, avait toutefois nuancé M. Coderre.

Selon différentes sources, c'est l'ancien député d'Outremont et ancien ministre de la Justice Martin Cauchon qui aurait été pressenti par le Parti libéral comme candidat dans la circonscription. Actuellement en Chine, M. Cauchon n'était pas joignable hier.

«Je ne veux pas jouer les victimes, mais ça donne l'impression qu'on m'a tassé. Ça laisse courir toutes sortes de rumeurs. C'est dommage, parce que le Parti libéral, c'est un parti pour tout le monde; pas juste pour les notables. Il faut que les gens qui s'engagent sachent à quoi s'en tenir», ajoute M. Amouzou.

Le porte-parole du PLC-Q, Jean-Bernard Villemaire, qui a rappelé La Presse hier au nom de Louis-Philippe Angers, s'est dit incapable de confirmer si M. Amouzou avait eu ou non l'autorisation verbale de lancer sa campagne d'investiture. «La commission électorale (du PLC-Q) n'a pas encore décidé s'il y aurait une investiture dans Outremont. Dans le meilleur des mondes, il y en aurait une. Mais si les échéances sont aussi serrées que ce à quoi on peut s'attendre, il n'y aura pas assez de temps, a-t-il affirmé. Chose certaine, tant que l'assemblée d'investiture n'est pas convoquée par la commission électorale, il n'y a pas de candidature officielle», a ajouté M. Villemaire.

Conscient que sa sortie risque de braquer les hautes instances du Parti libéral contre lui, M. Amouzou dit qu'il cherche uniquement à obtenir ce que souhaitent les citoyens d'Outremont et la base militante: «Quand on a perdu les dernières élections, tout le monde a dit: «C'est assez, les vedettes, à Outremont. Je ne fais que dire tout haut ce que d'autres pensent tout bas.»

Le comédien Sébastien Dhavernas, candidat défait aux dernières élections, qui lorgnait aussi la circonscription d'Outremont en vue d'un nouveau scrutin, affirme pour sa part avoir «très bien compris» que sa candidature ne sera pas retenue cette fois-ci. «C'est clair depuis le début que c'est une circonscription réservée à un candidat-vedette. Et j'ai très bien compris que je ne suis pas ce candidat. J'ai donc conclu qu'il valait mieux que je vaque à mes occupations», dit-il.