Bashir Makhtal, citoyen canadien d'origine éthiopienne, est-il un terroriste qui menace la sécurité de l'Éthiopie? Ou est-il plutôt l'innocente victime d'un gouvernement qui souhaite écraser toute dissidence politique?

Pour son avocat, Lorne Waldman, il n'y a pas de doute. Son client n'a absolument rien à se reprocher. Et le gouvernement canadien doit intervenir au plus vite pour le ramener au pays. «Si l'on veut rétablir la justice, il ne reste qu'une solution: qu'Ottawa s'en mêle», a déclaré hier Me Waldman, quelques heures après que Bashir Makhtal eut reçu sa peine.

L'homme de 40 ans a été condamné hier à la prison à perpétuité par la Haute Cour d'Éthiopie, une semaine après avoir été reconnu coupable des trois chefs d'accusation de terrorisme qui pesaient contre lui.

La justice éthiopienne l'accuse d'avoir été membre du Front national de libération de l'Ogaden (FNLO), un groupe séparatiste rebelle qui se bat pour l'indépendance d'une région éthiopienne frontalière avec la Somalie. Bashir Makthal a également été reconnu coupable d'avoir appuyé l'opposition armée et d'avoir soutenu les tribunaux islamiques somaliens, mis en déroute au début 2007 par l'armée éthiopienne.

M. Makhtal avait été arrêté par des soldats kényans à la frontière de la Somalie, à la fin de 2006. L'homme, qui a vécu en Ontario de 1991 à 2002, faisait partie d'un groupe de 150 détenus appréhendés dans la foulée de l'intervention militaire éthiopienne contre les islamistes somaliens.

Depuis le tout début, Bashir Makhtal, ancien technologue de la Banque CIBC de Toronto, clame son innocence. Il soutient qu'il n'a même jamais été membre du Front national de libération de l'Ogaden.

«Le gouvernement éthiopien s'en prend à lui parce que son grand-père, Makhtal Dahir, est l'un des membres fondateurs du FLNO. Les autorités veulent intimider les gens qui soutiennent cette organisation et elles ont choisi mon client pour donner l'exemple», a dit Me Waldman, hier. Depuis avril 2007, le gouvernement d'Addis-Abeba, la capitale, a lancé une vaste opération militaire pour lutter contre le FNLO, qui a revendiqué plusieurs attaques, notamment contre une installation pétrolière.

Contestation

Bashir Makhtal entend contester le jugement devant la Cour suprême de l'Éthiopie. Mais Me Waldman nourrit peu d'espoir à cet égard, faisant valoir que le système judiciaire éthiopien est manipulé par les politiciens.

Le cousin de l'accusé, Saïd Maktal (qui n'écrit pas son nom de la même façon), est du même avis. Il demande lui aussi au ministère des Affaires étrangères du Canada de rapatrier son ressortissant. Quitte à ce qu'Ottawa suspende son aide financière à l'Éthiopie pour faire pression sur le gouvernement, propose-t-il.

«Je suis citoyen canadien et je ne veux pas que mes impôts servent à enrichir un pays qui traite ses citoyens comme ils ont traité mon cousin», a dit Saïd Maktal, joint hier à Hamilton, en Ontario.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, s'est dit «extrêmement déçu» hier de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre de Bashir Makhtal. Il ne s'est toutefois engagé à aucune action concrète.

«Le gouvernement du Canada continuera d'examiner toutes les options dont il dispose pour appuyer M. Bashir Makhtal», a déclaré M. Cannon par voie de communiqué.