Il n'y a aura pas d'élections générales en juillet. Mais la bataille estivale qui a été évitée hier pourrait n'avoir été que reportée à l'automne.

Le premier ministre Stephen Harper et le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, ont réussi à s'entendre hier matin pour éviter une collision frontale entre leurs partis à la Chambre des communes, vendredi, et qui aurait entraîné la chute du gouvernement minoritaire conservateur.

MM. Harper et Ignatieff ont convenu de créer un comité de six personnes qui aura comme mandat d'étudier les changements à apporter au programme d'assurance emploi au cours de l'été. Le Parti libéral nommera trois des membres de ce comité et les autres seront nommés par le gouvernement Harper.

En échange de l'appui des libéraux à l'occasion du vote de confiance sur les crédits budgétaires, demain, Michael Ignatieff se voit aussi attribuer une journée de l'opposition le 30 septembre. Le Parti libéral pourrait alors utiliser cette journée pour déposer une motion de censure envers le gouvernement Harper et ainsi tenter de provoquer des élections générales qui se tiendraient alors vraisemblablement le lundi 2 novembre.

Les libéraux se sont aussi félicités que le gouvernement Harper déposera un troisième rapport en septembre sur les progrès réalisés pour relancer l'économie. Or, M. Harper s'était déjà engagé, en mars, à présenter un autre rapport en septembre et avait réitéré cet engagement la semaine dernière.

Réagissant à cette entente qui a nécessité des heures de négociations à huis clos entre MM. Harper et Ignatieff, le Bloc québécois et le NPD ont soutenu qu'une nouvelle coalition entre le Parti libéral et le Parti conservateur avait vu le jour à Ottawa. Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, et le député néo-démocrate Thomas Mulcair ont aussi accusé le Parti libéral d'avoir carrément abandonné les chômeurs.

«Au lieu de prendre la défense de la population et d'aider les gens, M. Harper et M. Ignatieff ont plutôt choisi de former une coalition conservatrice-libérale. Une coalition qui va contre les intérêts de la population, et particulièrement contre les intérêts du Québec», a dit Gilles Duceppe.

«Mardi, les libéraux hurlaient que les chômeurs allaient crever. Aujourd'hui, le vice-premier ministre libéral (Michael Ignatieff), leur chef, dit: «Qu'ils crèvent!» Le pire est que la coalition libérale-conservatrice n'offre aucun espoir aux centaines de milliers de chômeurs en pleine crise économique. C'est une honte et une tragédie», a renchéri Thomas Mulcair.

Le comité à mettre sur pied aura le mandat d'examiner la possibilité d'admettre les travailleurs autonomes dans le programme d'assurance emploi. Il devra également proposer des mesures pour s'assurer que les critères d'admissibilité soient plus équitables pour tous les Canadiens, d'une région à l'autre.

Composé de la ministre des Ressources humaines, Diane Finley, et d'un fonctionnaire du ministère ainsi que des députés libéraux Marlene Jennings et Mike Savage, ce comité aura accès aux documents du gouvernement et devra soumettre son rapport au plus tard le 28 septembre.

«Perte de temps monumentale»

L'entente d'hier a mis fin à 48 heures de suspense provoqué par les propos de Michael Ignatieff lors d'une conférence de presse, lundi, pour réagir au rapport d'étape du gouvernement sur les mesures pour relancer l'économie.

Durant cette conférence de presse, le chef libéral avait menacé de voter contre le gouvernement Harper vendredi s'il ne se pliait pas à quatre conditions: dévoiler avant les vacances estivales la réforme qu'il envisageait d'apporter au programme d'assurance emploi, détailler les dépenses réalisées dans les projets d'infrastructures, préciser le plan d'Ottawa pour pallier la pénurie d'isotopes médicaux et d'indiquer comment le gouvernement comptait rétablir l'équilibre budgétaire.

En point de presse, hier, à l'issue d'une réunion de son caucus, Michael Ignatieff s'est défendu d'avoir accouché d'une souris, après avoir tenu la colline parlementaire en haleine depuis lundi.

«Dans une impasse parlementaire sur la question de réformer l'assurance emploi, nous, le premier ministre et moi, nous avons montré un moyen de débloquer la situation et de trouver des réponses ponctuelles dans le système qui vont aider les travailleurs aussitôt que possible», a déclaré le chef libéral.

Quelques minutes plus tard, Stephen Harper est apparu souriant et détendu devant les journalistes, soulignant qu'il n'avait rien cédé sur la question de l'assurance emploi.

«Ce que je dis maintenant est exactement ce que j'ai dit plus tôt», a fait remarquer le premier ministre au sujet de sa position sur l'assurance emploi.

M. Harper a ensuite mis les libéraux en garde, affirmant que les Canadiens ne voulaient pas d'élections cet été et n'en voudront pas plus à l'automne. «La dernière chose que quiconque devrait faire aujourd'hui est de dire: nous avons une entente maintenant, mais ce que nous allons vraiment faire est de défaire le gouvernement à l'automne. Ce serait insensé de dire cela», a-t-il dit.

En privé, des stratèges libéraux ont néanmoins affirmé qu'ils profiteront de la première occasion, à l'automne, pour mettre fin au règne du gouvernement Harper.