Des élections estivales sont officiellement évitées. Michael Ignatieff et Stephen Harper ont fait connaître la teneur de leur entente, mercredi matin, au terme d'un suspense de deux jours et de trois tête-à-tête tenus derrière des portes closes.

Le premier ministre et le chef du Parti libéral sont tombés d'accord pour créer un comité de six personnes qui aura comme mandat d'étudier les changements pouvant être apportés au programme d'assurance-emploi au cours de l'été. Michael Ignatieff a obtenu le pouvoir de nommer trois des membres de ce comité d'experts.

Le comité devra étudier les modalités pour permettre aux travailleurs autonomes de cotiser au régime d'assurance-emploi afin d'y être admissibles et pour améliorer «les conditions d'admissibilité afin d'assurer une équité régionale», explique le communiqué de presse publié vers 11h. Ce groupe aura accès aux documents du gouvernement et il devra faire rapport au gouvernement avant le 28 septembre prochain.

Le chef libéral exige depuis plusieurs semaines que les critères d'admissibilité soient uniformisés à travers le pays et ce, avant les vacances d'été. Mais il n'a pu obtenir ce gain du premier ministre. Il s'est néanmoins défendu d'avoir accouché d'une souris, après avoir tenu la colline parlementaire en haleine depuis jeudi dernier.

«Dans une impasse parlementaire sur la question de réformer l'assurance-emploi, nous, le premier ministre et moi, nous avons montré un moyen de débloquer la situation et de trouver des réponses ponctuelles dans le système qui vont aider les travailleurs aussitôt que possible», a déclaré M. Ignatieff lors d'un point de presse tenu à la sortie du caucus de son parti, au Parlement.

«Stéphane Dion dans le miroir»

Lors d'un point de presse tenu quelques minutes après celui du chef libéral, Stephen Harper est apparu souriant et détendu. Il a rappelé à plusieurs reprises qu'il aurait été inacceptable pour son gouvernement d'établir un seuil national d'accessibilité à l'assurance-emploi de 360 heures de travail, comme le demandaient les partis de l'opposition.

«En fait, ce que je dis maintenant est exactement ce que j'ai dit plus tôt, a fait remarquer le premier ministre au sujet de sa position sur l'assurance-emploi. J'ai dit la semaine dernière que le gouvernement considérerait des changements pour le chômage à l'automne.»

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, un ardent défenseur des chômeurs, est apparu furieux devant les journalistes. «C'est plus que bidon. C'est une perte de temps monumentale que ce comité-là», a-t-il dit.

«Quand Michael Ignatieff s'est regardé dans le miroir, il a vu Stéphane Dion», a-t-il ajouté.

Élections à l'automne?

Le gouvernement minoritaire conservateur avait besoin de l'appui des libéraux pour survivre à ce vote de confiance, puisque le Bloc québécois et le NPD ont déclaré qu'ils voteront contre. Une défaite du gouvernement vendredi aurait provoqué des élections générales le 27 juillet.

Mais cette possibilité est bel et bien évitée, du moins jusqu'à l'automne.

En effet, le chef libéral a obtenu une autre concession de Stephen Harper: le premier ministre s'est engagé à accorder une journée de l'opposition au Parti libéral dès la reprise des travaux parlementaires. Cette journée de l'opposition sera précédée, deux jours de session plus tôt, par le dépôt d'un rapport d'étape supplémentaire, semblable à celui déposé par le gouvernement la semaine dernière et dans lequel ce dernier devra exposer les progrès réalisés dans les projets d'infrastructures et dans son plan de relance économique.

Ça veut donc dire que les députés de l'opposition pourraient alors tenter de défaire le gouvernement en déposant une motion de censure. Ça pourrait être le cas, par exemple, s'ils ne sont pas satisfaits du travail du comité d'experts ou s'ils jugent que les mesures de relance économique sont insuffisantes.

«J'ai travaillé de mon mieux pour prouver que dans un gouvernement minoritaire, on peut sortir des impasses et trouver des solutions valables pour les Canadiens, a ajouté M. Ignatieff. J'ai demandé des comptes au gouvernement. Il reste, à mon avis, sous le contrôle de l'opposition»

Déjà, Stephen Harper a mis en garde contre des élections automnales. «La population ne veut pas d'une élection et je pense que ça ne va pas changer pendant l'été», a-t-il dit.

«La dernière chose que quiconque devrait faire aujourd'hui est de dire : nous avons une entente maintenant, mais ça veut seulement dire que ce que nous allons vraiment faire est de défaire le gouvernement à l'automne. Ce serait insensé de dire cela. La bonne nouvelle aujourd'hui, la percée que nous avons faite, est cette volonté du gouvernement et de l'opposition officielle de travailler ensemble sur des questions de politiques. Je crois que les Canadiens veulent voir beaucoup plus de cela.»

Quant aux élections qui ont failli avoir lieu cette semaine, «je peux vous assurer que j'étais plus prêt que les autres», a-t-il cependant ajouté.

«Je vous ai écouté, M. Ignatieff»

En échange de son vote vendredi, le chef libéral avait pressé M. Harper de dévoiler avant les vacances estivales la réforme qu'il envisage d'apporter au programme d'assurance-emploi, de détailler les dépenses réalisées dans les projets d'infrastructures, de préciser son plan pour pallier la pénurie d'isotopes médicaux et d'indiquer comment le gouvernement compte rétablir l'équilibre budgétaire.

Quant aux isotopes, «nous sommes maintenant dans une situation de triage. De triage! a noté Michael Ignatieff. Les médecins devraient choisir dans les prochaines semaines quels patients auraient les traitements et quels patients n'auraient pas les traitements».

«J'ai averti le premier ministre. J'ai dit: vous devez montrer aux Canadiens que vous avez un plan. Il a dit: je vous ai écouté, M. Ignatieff.»

Michael Ignatieff n'a pas expressément abordé en point de presse les questions des dépenses en infrastructures ou du déficit. Le ministre des Finances a répété cette semaine ce qu'il avait déjà dit dans le passé: qu'il prévoyait rétablir l'équilibre budgétaire d'ici 2013.