Aux prises avec une crise d'approvisionnement en isotopes médicaux au pays, le gouvernement conservateur se lance dans la recherche de solutions de rechange, qui ne seraient toutefois disponibles que dans plusieurs années. Rien pour calmer la grogne de l'opposition et des intervenants du milieu, qui réclament toujours une solution à court terme.

La ministre fédérale de la Santé, Leona Aglukkaq, a annoncé hier que 6 millions de dollars seraient consacrés, à l'automne, à la recherche scientifique pour trouver des moyens de produire des isotopes sans utiliser de réacteur nucléaire et développer des méthodes d'examens et de traitements utilisant d'autres procédés.

Il s'agit de la deuxième annonce en deux jours de la ministre Aglukkaq, visant à calmer le jeu et démontrer que le gouvernement agit pour atténuer la crise. La veille, elle avait annoncé l'approbation, pour les hôpitaux canadiens, d'une nouvelle source australienne d'isotopes médicaux, qui sont utilisés dans les cas de cancer et de maladies cardiovasculaires.

Le chef libéral, Michael Ignatieff, avait fait, lundi, d'un plan de résolution de la crise des isotopes une des conditions à son appui au gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Or, l'opposition libérale est loin d'être satisfaite des mesures annoncées jusqu'ici. «Le gouvernement savait il y a 18 mois qu'il y avait un problème, qu'il y avait une crise imminente et depuis 18 mois, on n'a rien vu, a dit le critique libéral en matière d'énergie, David McGuinty. À la dernière seconde, la ministre annonce de l'argent pour la recherche. C'est important, mais c'est très tard. Le gouvernement n'a pas de plan.»

Le Canada «a capitulé», a résumé M. McGuinty devant les récents développements du dossier. L'arrêt de production temporaire du réacteur nucléaire de Chalk River, le 15 mai, a plongé le pays et ses partenaires internationaux dans une grave crise d'approvisionnement. L'installation ontarienne produisait plus de 40% des isotopes médicaux utilisés dans le monde.

Les soumissionnaires intéressés par les fonds de recherche annoncés hier ont jusqu'au 1er septembre pour présenter leur dossier. Les projets retenus seront annoncés à la fin octobre. Or, il est fort probable que le réacteur de Chalk River ait recommencé à produire des isotopes à ce moment-là.

Les sommes investies «sont importantes», estime pour sa part la présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), Suzanne Fortier, et elles permettront d'accélérer les projets de recherche déjà en cours, selon elle. «Pour avoir des découvertes importantes et aller en essai clinique, ça pourrait prendre à peu près deux ans», soutient toutefois Mme Fortier.

Les fonds pour la recherche scientifique ne représentent pas non plus de l'argent frais, mais seront pris à même les enveloppes des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et du CRSNG.

«On voit très bien que c'est de la diversion médiatique, s'est insurgé le président de l'Association des médecins spécialisés en médecine nucléaire du Québec, François Lamoureux. La recherche, ça ne va pas régler le problème demain matin. Ça prend des années avant de sortir quelque chose!»

Réunis en congrès à Toronto, lundi, les membres de la Société de médecine nucléaire avaient plutôt réclamé que la communauté internationale se concerte pour débloquer les fonds nécessaires à la construction d'une nouvelle installation pour produire des isotopes médicaux.

L'annonce d'hier s'inscrit dans la volonté du gouvernement conservateur de se retirer de l'industrie de la production d'isotopes médicaux, confirmée la semaine dernière par le premier ministre Harper. En après-midi hier, des représentants de l'Université McMaster, d'Hamilton en Ontario, sont venus dire en comité parlementaire que leurs installations étaient en mesure de subvenir aux besoins canadiens en isotopes dans un délai de 18 mois, moyennant un investissement gouvernemental de 30 millions.