Le premier ministre Stephen Harper affirme qu'il ne veut pas d'élections estivales. Le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, soutient la même chose. Mais les deux hommes devront faire d'importants compromis d'ici à vendredi pour éviter un scrutin le 27 juillet.

MM. Harper et Ignatieff doivent se rencontrer aujourd'hui pour tenter de trouver un terrain d'entente sur les réformes à apporter au régime d'assurance emploi et discuter d'un plan pour pallier la pénurie des isotopes médicaux à la suite de la fermeture du réacteur nucléaire de Chalk River.

Michael Ignatieff souhaite aussi arracher au gouvernement conservateur minoritaire plus de détails au sujet des dépenses réelles réalisées jusqu'ici dans les projets d'infrastructures et obtenir des précisions au sujet du plan d'Ottawa pour rétablir l'équilibre budgétaire.

M. Ignatieff a fait connaître ses exigences en matinée. M. Harper a rétorqué en après-midi que les demandes de son adversaire libéral étaient loin d'être claires et s'est montré peu enclin à y donner suite, en particulier la demande du chef libéral de déposer avant vendredi la réforme à l'assurance emploi envisagée par les conservateurs.

Jeudi dernier, M. Harper a évoqué des changements à l'assurance emploi pour l'automne. Lundi il a précisé que ces changements toucheraient uniquement les travailleurs autonomes.

«Ce n'est pas quelque chose que nous pouvons faire en une semaine ou deux semaines. Nous avons besoin de l'été pour finaliser nos propositions. Et si M. Ignatieff a des idées à cet égard, nous sommes toujours prêts à les écouter. Mais c'est difficile de répondre à un ultimatum qui n'est pas un ultimatum», a dit M. Harper.

Menace d'élections

Après avoir passé la fin de semaine à étudier le deuxième rapport du gouvernement Harper expliquant les mesures prises pour relancer l'économie canadienne jusqu'ici, le chef libéral a mis les conservateurs en demeure de se plier à ses conditions avant vendredi, à défaut de quoi il compte voter contre les crédits budgétaires aux Communes.

Si M. Ignatieff met sa menace à exécution, le gouvernement Harper sera défait puisqu'il s'agit d'un vote de confiance et que le Bloc québécois et le NPD ont déjà affirmé qu'ils voteront contre.

Les Canadiens seraient alors convoqués aux urnes le 27 juillet, pour le quatrième scrutin fédéral en cinq ans.

En privé, des stratèges des deux camps ont laissé entendre lundi que des élections étaient inévitables, à moins que l'un des deux protagonistes ne recule avant la fin de la semaine. La question est donc de savoir qui fera les manoeuvres nécessaires pour éviter une collision frontale entre le gouvernement Harper et les partis de l'opposition.

«Je ne souhaite pas d'élections. Mais faire notre travail veut dire respecter nos principes, a déclaré Michael Ignatieff sur un ton ferme lors de sa conférence de presse, lundi matin. La vraie question qui se pose est : est-ce que M. Harper souhaite que le Parlement fonctionne? (...) C'est le choix du premier ministre. (...) S'il veut faire marcher le Parlement, c'est très facile pour lui de répondre de façon positive. Mais il doit savoir que je suis prêt à voter contre.»

Le chef libéral demande depuis plusieurs mois d'uniformiser les critères d'admissibilité à l'assurance emploi au pays. Il souhaite que toute personne ayant accumulé 360 heures de travail puisse obtenir des prestations. À l'heure actuelle, les heures requises varient d'une région à l'autre selon la vigueur de l'économie. Les conservateurs ont toujours opposé une fin de non-recevoir à cette proposition. M. Ignatieff a précisé lundi qu'il était prêt à mettre de l'eau dans son vin sur cette question.

Mais dans une conférence de presse en après-midi, M. Harper a affirmé que la seule réforme qu'il a en tête pour le moment est de permettre aux travailleurs autonomes de cotiser au régime d'assurance emploi pour être admissibles à des prestations en cas de perte d'emploi.

M. Ignatieff a aussi exigé que le gouvernement précise quelles sommes ont été dépensées dans son plan de relance économique au cours des 120 derniers jours, et quelles sommes seront dépensées dans les 120 prochains jours.

M. Harper a répliqué que les libéraux empêcheront le gouvernement d'accélérer les dépenses dans les infrastructures s'ils votent contre les crédits budgétaires vendredi.

«Il demande que le gouvernement dépense plus vite. On ne peut pas dépenser plus vite sans l'appui du Parlement vendredi pour dépenser, et c'est la raison pour laquelle j'encourage M. Ignatieff à voter pour les crédits budgétaires», a dit M. Harper.

Le chef libéral a demandé au gouvernement Harper de préciser comment il comptait redresser les finances de l'État. Il y a quelques semaines, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a déclaré que le déficit dépassera les 50 milliards de dollars cette année. À ce sujet, M. Harper a affirmé durant la période de questions que le gouvernement prévoit un retour aux budgets équilibrés en 2013, sans donner plus de détails.

Quant aux isotopes médicaux, Michael Ignatieff exige du gouvernement d'expliciter son plan pour pallier la pénurie à venir. Le réacteur nucléaire de Chalk River, qui fournit près du tiers de ces isotopes nécessaires à la détection du cancer dans le monde entier, a cessé ses opérations il y a quelques semaines. Les professionnels de la santé multiplient depuis les interventions pour mettre en garde contre une crise à l'échelle mondiale.

À ce sujet, Stephen Harper a déclaré que le gouvernement travaille actuellement pour trouver des solutions de rechange à long terme.

Assistant à ce jeu de ping-pong entre les conservateurs et les libéraux, le Bloc québécois et le NPD ont réitéré leurs intentions de voter contre le gouvernement Harper.

Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a affirmé qu'il tient à ce que le gouvernement fédéral abolisse le délai de carence de deux semaines avant qu'un travailleur qui a perdu son emploi puisse toucher des prestations d'assurance emploi.