Le premier ministre Stephen Harper veut envoyer un message clair à Washington: le protectionnisme n'est pas un remède à la crise économique mondiale. C'est pourquoi il insiste pour que le traité de libre-échange entre le Canada et la Colombie soit rapidement ratifié par la Chambre des communes.

M. Harper a profité de la visite officielle du président de la Colombie, Alvaro Uribe, mercredi à Ottawa, pour exprimer de nouveau ses craintes de voir les membres du Congrès à Washington ainsi que les élus dans les divers États américains recourir à des politiques protectionnistes pour relancer leur économie.

Depuis quelques semaines, plusieurs entreprises canadiennes se sont plaintes de se voir refuser le droit de participer aux appels d'offres lancés par les États et les villes américaines qui tiennent à privilégier les entreprises américaines pour créer des emplois aux États-Unis. Et ils le font en invoquant la clause Buy American incluse dans le plan de relance de plusieurs milliards de dollars adopté par l'administration de Barack Obama.

Ce plan, l'American Recovery and Reinvestment Act of 2009, stipule notamment que les municipalités et les États américains doivent utiliser uniquement du fer, de l'acier et des produits manufacturiers américains pour que leurs projets d'infrastructures soient financés par Washington.

En conférence de presse, mercredi, le premier ministre a tenu à rappeler que ce sont justement des politiques protectionnistes qui ont transformé le krach boursier de 1929 en Grande Dépression. M. Harper a soutenu que les pays industrialisés comme le Canada ont un rôle à jouer pour convaincre non seulement les États-Unis, mais aussi le reste de la planète, que la libéralisation des échanges est la voie à suivre.

Et les trois partis de l'opposition à la Chambre des communes peuvent faire leur part en ratifiant dans les plus brefs délais le traité de libre-échange entre le Canada et la Colombie. «Le Canada est un pays de commerce. Notre prospérité découle de nos échanges commerciaux avec le reste du monde. Nous savons que c'est la vérité, mais certains aimeraient prendre une autre voie. Les forces du protectionnisme sont toujours présentes, mais elles sont encore plus fortes et dangereuses dans une période de récession mondiale», a affirmé M. Harper.

«Adopter l'accord de libre-échange avec la Colombie enverrait un message fort ici, à Washington et partout dans le monde. Je demande au Parlement d'adopter cet accord de libre-échange et d'envoyer un message clair contre le protectionnisme. C'est la bonne chose à faire pour le pays, la bonne chose à faire pour la Colombie et la bonne chose à faire pour l'économie mondiale», a ajouté le premier ministre.

L'accord entre le Canada et la Colombie a été signé en novembre dernier, mais il n'a pas encore été ratifié. Le gouvernement Harper soumet tout nouvel accord à un vote à la Chambre des communes pour ratification.

Le NPD s'oppose à cet accord, estimant qu'il ne protège pas les travailleurs de la Colombie. Mais le Parti libéral de Michael Ignatieff devrait l'appuyer lorsque le vote final aura lieu, vraisemblablement à l'automne, assurant ainsi la ratification du traité.

M. Harper a indiqué avoir discuté des dangers du protectionnisme avec l'administration démocrate de Barack Obama et a dit croire que le président est un allié du Canada. Mais le Congrès américain et les gouvernements des États demeurent réfractaires.

En dépit des bonnes intentions exprimées par les leaders des pays membres du G20 lors des sommets de Washington et de Londres quant à l'importance de ne pas adopter de politiques protectionnistes, le premier ministre a soutenu que la situation demeure inquiétante.

«Il y a eu un certain recul. Un point qui préoccupe particulièrement le Canada est le retour vers la clause Buy American par le Congrès américain. On a parlé avec l'administration Obama à ce sujet. Je crois qu'elle est une alliée sur cette question. Cependant, le Canada ne va pas sous-estimer le problème. Avec nos partenaires provinciaux, nous allons continuer à protester contre le protectionnisme ici au pays et à l'étranger. Pas seulement parce que c'est dans l'intérêt du Canada, mais parce que c'est aussi dans l'intérêt du monde entier», a-t-il dit.

M. Harper a soutenu que le Canada prêche par l'exemple en multipliant les accords de libre-échange. Récemment, le Canada a lancé des négociations avec l'Union européenne.

Par ailleurs, le premier ministre Harper et le président Uribe ont tour à tour soutenu qu'un accord de libre-échange était le meilleur moyen de lutter contre les barons de la drogue de la Colombie puisque cela va augmenter les investissements dans ce pays et les emplois. De passage à Montréal, plus tôt en journée, le président colombien a affirmé que tous les pays doivent doit participer à la lutte contre le trafic de drogue.