Accusée par l'opposition d'arrogance, d'opportunisme, de manquer d'empathie et d'avoir tenu des propos inacceptables, la ministre des Ressources naturelles, Lisa Raitt, a refusé de démissionner, voire de s'excuser pour avoir dit, dans une conversation qui se voulait privée, que la crise des isotopes médicaux était un dossier «sexy» qui l'aiderait dans sa carrière.

Au lendemain des révélations faites par le Chronicle-Herald d'Halifax, libéraux, bloquistes et néo-démocrates ont estimé que la ministre Raitt n'avait plus la légitimité d'assumer ses fonctions.

 

Dans une conversation enregistrée à son insu, en janvier dernier, Mme Raitt juge que le dossier des isotopes médicaux l'aidera à gravir les échelons dans sa carrière politique, parce que c'est un sujet «sexy: les fuites radioactives, le cancer...». Au passage, elle remet en question la capacité de sa collègue ministre de la Santé, Leona Aglukkaq, de gérer le dossier et se réjouit d'en avoir la responsabilité. «Si on gagne là-dessus, on aura tout le crédit. Je suis prête à jeter les dés. C'est un coup facile, affirme la ministre à son attachée de presse. Tu sais ce que ça prend pour résoudre ce problème? De l'argent. On va trouver une solution. Ce n'est pas une question morale.»

L'arrêt de production de la centrale nucléaire de Chalk River, en mai dernier, cause à l'heure actuelle une pénurie d'isotopes médicaux, essentiels aux diagnostics, notamment, de certains cancers.

Il s'agit de la deuxième fois en autant de semaines que la ministre Raitt se retrouve sur la sellette, après l'oubli de documents sensibles concernant Chalk River dans les bureaux de CTV, qui a conduit au congédiement, la semaine dernière, d'une employée de 26 ans, Jasmine MacDonnell, la même qui aurait égaré l'enregistreuse sur laquelle se trouvait la conversation controversée.

»Indécent»

Alors que l'opposition critiquait jusqu'ici l'inaction du gouvernement conservateur pour résoudre la crise d'approvisionnement en isotopes, les députés se sont tout simplement révoltés hier.

«Devant si peu d'empathie et tant d'opportunisme, le premier ministre n'a d'autre choix que de congédier sa ministre», a jugé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, en Chambre.

«C'est indécent de la part de Mme Raitt et de M. Harper, a-t-il ajouté à l'issue de la période de questions. Elle aurait dû démissionner puis s'excuser. Elle ne s'est même pas excusée et puis M. Harper cautionne tout ça, c'est donc dire qu'il cautionne l'immoralité en politique.»

Le premier ministre ne s'est levé en Chambre que pour répondre au chef libéral Michael Ignatieff, une fois en français et une fois en anglais, réitérant son entière confiance en Mme Raitt.

«La ministre des Ressources naturelles travaille très fort pour assurer un approvisionnement adéquat à l'avenir. Elle travaille très dur et le public connaît son bilan à cet égard», a dit M. Harper, accusant l'opposition de faire «de la petite politique».

La réponse du chef libéral ne s'est pas fait attendre. «La plus petite politique qui soit, c'est de considérer une crise comme une possibilité d'avancement professionnel», a lancé M. Ignatieff.

Des excuses, mais pas assez

Si la ministre Raitt a passé un coup de fil à sa collègue Leona Aglukkaq, en soirée lundi, pour s'excuser des propos désobligeants tenus à son égard, elle a toutefois refusé de présenter des excuses aux Canadiens souffrant du cancer, soulevant la consternation chez ses adversaires.

«Les gens sont scandalisés par l'attitude de la ministre des Ressources naturelles, a dit Jack Layton, chef du NPD. La ministre a démontré qu'elle n'était pas digne de ses fonctions.»

Mme Raitt qui, pour la deuxième semaine consécutive, a été contrainte d'essuyer les tirs répétés de l'opposition en Chambre, sans l'aide du premier ministre, s'est justifiée en disant que les commentaires avaient été faits en janvier, soit bien avant la crise actuelle des isotopes médicaux. Sa propre famille a été lourdement touchée par le cancer, a-t-elle ajouté, affirmant toute son empathie pour les gens atteints de la maladie et leurs proches.

Cette fois-ci, Mme Raitt n'a pas offert sa démission au premier ministre, comme elle l'avait fait dans le cas des documents oubliés la semaine dernière.