Comme ils l'avaient promis pendant la campagne électorale de l'automne dernier, les conservateurs essaient de rayer du Code criminel «la clause de la dernière chance» qui permet aux meurtriers condamnés à la prison à perpétuité de demander une libération conditionnelle anticipée après 15 ans.

Le ministre de la Justice Rob Nicholson a déposé vendredi un projet de loi à cet effet. Il en a dévoilé les détails lors d'un point de presse auquel prenaient part des proches de victimes ainsi que des associations de défense de leurs droits, tous favorables à un resserrement des règles.

«Notre gouvernement estime que les meurtriers doivent purger des peines plus sévères pour les crimes les plus graves», a insisté le ministre. Pour les coupables de meurtre avec préméditation (ou meurtre au premier degré), cela veut dire au moins 25 ans derrière les barreaux.

D'après le ministre, environ sept meurtriers par année se prévalent de la «clause de la dernière chance».

M. Nicholson soutient néanmoins que les changements apportés au Code criminel amélioreront la sécurité des Canadiens. Il a en outre fait remarquer que l'abolition de la disposition épargnerait aussi aux familles la douleur d'assister à de nombreuses audiences d'admissibilité à une libération conditionnelle, et d'avoir à revivre la perte d'un être cher.

Le gouvernement a renoncé à rendre sa loi rétroactive, sans doute pour éviter qu'elle soit déclarée inconstitutionnelle. Les personnes reconnues coupables de meurtre, prémédité ou pas, avant l'adoption de la nouvelle législation conserveront donc la possibilité de demander une libération anticipée.

Le processus sera cependant beaucoup plus difficile qu'il ne l'est actuellement. Les délinquants ne pourront présenter qu'une requête tous les cinq ans, plutôt que tous les deux ans. Ils devront en outre convaincre le juge qu'un jury accepterait à l'unanimité une libération conditionnelle hâtive.

Le Nouveau Parti démocratique n'est pas favorable aux changements envisagés. Le porte-parole en matière de justice, Joe Comartin, estime que l'abolition de la «clause de la dernière chance» pourrait s'avérer dangereuse pour les gardiens de prison.

Des criminels sans espoir de voir leur sort s'améliorer pourraient ainsi se montrer plus violents dans les pénitenciers, a-t-il expliqué.

Selon lui, le projet de loi du ministre Nicholson constitue un geste purement politique, aux conséquences réelles limitées. «Il y a beaucoup d'autres choses auxquelles on devrait s'attaquer en priorité dont la prévention du crime», a-t-il martelé, en entrevue à La Presse Canadienne.

C'est aussi l'avis du Parti libéral, qui se dit néanmoins prêt à étudier la proposition du gouvernement. Pour le porte-parole en matière de sécurité publique, Mark Holland, les conservateurs tentent de faire oublier leur mauvaise performance en matière d'économie en revenant à une valeur sûre: la lutte contre la criminalité.

Au Bloc québécois, le porte-parole en matière de Justice, Réal Ménard, a laissé savoir qu'il préférait étudier le projet de loi avant de faire des commentaires. En 2006, la formation s'était toutefois prononcée contre l'abolition de la clause.