Le gouvernement Harper tient mordicus à protéger le système de gestion de l'offre durant les négociations qui doivent permettre de conclure un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) d'ici deux ans.

Stephen Harper s'est d'ailleurs entretenu à ce sujet avec le premier ministre Jean Charest la semaine dernière et les deux hommes ont convenu de l'importance de maintenir ce système pour les agriculteurs québécois, selon des informations obtenues par La Presse.

 

MM. Harper et Charest ont discuté des grandes lignes des négociations qui vont commencer entre le Canada et l'UE. Le premier ministre du Québec s'est fait l'ardent promoteur d'un traité de libre-échange entre le Canada et l'UE depuis près de trois ans, estimant qu'il s'agit de la meilleure façon de créer des emplois et de diminuer la dépendance commerciale du Canada envers le marché américain.

M. Harper est arrivé hier soir à Prague afin de participer aujourd'hui au sommet Canada-UE. Le premier ministre et son homologue tchèque, Mirek Topolanek, qui assume la présidence de l'Union européenne, donneront officiellement le coup d'envoi aux négociations entre les deux parties. Ces négociations devraient durer environ deux ans, selon les estimations des fonctionnaires canadiens.

Le gouvernement Harper s'est engagé à donner voix au chapitre aux provinces durant les négociations d'autant que celles-ci devront éventuellement mettre en oeuvre certains éléments de l'accord commercial. M. Harper a donc informé M. Charest des objectifs du gouvernement canadien la semaine dernière puisque le premier ministre du Québec préside le Conseil de la fédération.

«Le gouvernement du Canada va protéger l'intégrité du système de gestion de l'offre. Nous sommes prêts à avoir une conversation avec les Européens sur une foule de questions durant les négociations, mais en bout de piste, nous allons défendre les intérêts des agriculteurs québécois et ontariens en protégeant le système de gestion de l'offre», a déclaré à La Presse une source gouvernementale sous le couvert de l'anonymat.

Les agriculteurs québécois tiennent au système de gestion de l'offre qui leur garantit le prix des produits comme les oeufs, la volaille et le lait et régit la qualité et la quantité de ces produits. Cette mesure a toutefois déjà été contestée devant l'Organisation mondiale du commerce.

En août 2007, Stephen Harper avait d'ailleurs résisté aux pressions des Américains au sommet de Montebello qui voulaient forcer le Canada à abandonner cette pratique.

L'objectif du gouvernement canadien dans ces négociations qui commencent est de parvenir à conclure avec l'UE un accord comparable à l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

En outre, les deux parties estiment que le lancement de ces négociations enverra un message sans équivoque relativement à l'importance de libéraliser les marchés en ces temps de crise économique au moment même où certains pays, dont les États-Unis, jonglent avec l'idée d'utiliser des politiques protectionnistes pour protéger leur économie respective.

«Le timing de ces négociations ne pourrait survenir à un meilleur moment. Il faut continuer à libéraliser le commerce, pas le limiter», a indiqué une source gouvernementale.

Le nouvel accord envisagé devrait ouvrir le commerce dans divers domaines, dont les services d'investissement, l'approvisionnement gouvernemental et les produits agricoles. En outre, l'accord souhaité permettrait la mobilité temporaire de la main-d'oeuvre entre le Canada et les 27 pays membres de l'UE. Enfin, il devrait permettre d'adopter des réglementations semblables dans plusieurs domaines, notamment les droits d'auteur et l'alimentation ainsi que la sécurité animale.

L'UE souhaite par ailleurs que le Canada se dote d'une seule commission des valeurs mobilières pour simplifier les investissements, ce qui pourrait faire grincer des dents le gouvernement Charest, qui s'oppose à une telle mesure. Le gouvernement Harper a toutefois clairement fait savoir son intention de créer une commission nationale des valeurs mobilières à laquelle les provinces se joindront si elles le veulent.

Le coup d'envoi de ces négociations survient moins de 24 heures après que le Parlement européen eut adopté un projet de loi limitant la vente des produits dérivés du phoque en provenance du Canada. Toutefois, la loi prévoit une exception pour les produits provenant de la chasse traditionnelle des Inuits.

Cette mesure ne devrait pas constituer un obstacle aux pourparlers, selon un fonctionnaire canadien qui a décrit la nouvelle loi comme une petite source d'irritation.

Un sondage publié cette semaine révèle que 70% des Canadiens interrogés souhaitent que le gouvernement fédéral tente de conclure de nouveaux traités commerciaux.

L'UE est le deuxième partenaire commercial en importance du Canada après les États-Unis. Le Canada exporte près de 85% de ses produits vers son partenaire commercial américain.

En 2008, le Canada a exporté quelque 36,4 milliards de dollars en marchandises vers les pays membres de l'UE. Le Canada a importé 54 milliards de dollars de marchandises de ce bloc commercial.

Selon une étude réalisée l'an dernier, un resserrement des liens commerciaux entre le Canada et l'UE aurait des retombées importantes: 12 milliards de dollars pour le Canada et 18 milliards de dollars pour l'UE.